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totalité, la question change. Les phénomènes moteurs apparaissent non plus comme un élément étranger, mais comme un moment du processus psychique, comme une phase de l’évolution totale. Seule la méthode psycho-physiologique conduit à une bonne position du problème, en montrant qu’à la base de la vie mentale, partout et toujours, il y a des mouvements. En effet, la condition de toute activité psychique est l’existence d’un système nerveux, et le type de l’action nerveuse, — il est oiseux de le répéter, — c’est l’acte réflexe avec ses trois moments constitutifs. Quelque complexe que soit l’organisation nerveuse, dans sa structure anatomique ou dans son dynamisme physiologique, le mécanisme fondamental ne change pas ; il consiste, de son origine à sa fin, en une transmission de mouvement. Il est impossible que le mouvement communiqué aux centres ne se restitue pas au dehors sous quelque forme. Rien d’étonnant donc si tout état psychique est une tendance[1], s’il est suivi d’un mouvement : c’est la loi ; et ce sont les cas contraires — s’il en existe — qui auraient besoin d’être expliqués.

On peut objecter, à la vérité, que le deuxième moment (passage dans les centres nerveux) est celui qui intéresse particulièrement la psychologie, puisque, d’après l’opinion généralement admise, c’est à ce moment que correspond la conscience. Mais cette remarque n’a qu’une valeur relative. La conscience n’est pas une entité, c’est un état qui accompagne certains processus nerveux et qui, suivant les circonstances, paraît ou disparaît. Le troisième moment (centrifuge) est souvent accompagné de conscience. Diverses formes de notre activité sont conscientes ; d’autres ne le sont pas. La même forme peut successivement l’être et ne plus l’être. Par la répétition et l’habitude, des actes conscients d’abord deviennent automatiques. Peut-être même des actes, aujourd’hui inconscients dans l’individu, ont été conscients à l’origine de l’espèce ; mais l’hérédité, qui est une habitude spécifique, les a fixés.

Le dernier fond de la vie psychique est donc mouvement autant que sensation. Aussi les psychologues, pénétrés de l’esprit nouveau, inclinent à donner à ce fait de la corrélation intime du mouvement et de l’idée l’attention qu’il mérite. « Nous sentons à chaque instant, dit Bain, combien il est aisé de convertir les idées en actions… Si l’idée tend à produire le fait, c’est que l’idée est déjà le fait sous une forme plus faible. Penser, c’est se retenir de parler ou d’agir. » Taine, dans sa dernière édition de l’Intelligence, insiste encore plus fortement : « Dès qu’une image reste quelques instants en pleine lu-

  1. Nous entendons par tendance la simple continuation du mouvement, sans prêter à ce mot aucun sens mystique, comme on l’a fait si souvent.