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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

peine à se défendre. Il était paré de tous les côtés, hormis un seul, qu’il avait imprudemment découvert ; mais il savait bien que le commissaire n’oserait jamais entreprendre de le forcer par cet endroit-là. On n’irait certes pas lui confronter ceux à qui il avait livré le secret de sa conscience. Quant à mettre en cause ces fils de famille eux-mêmes pour les contraindre à parler, le scandale serait si grand, le péril si manifeste, que le Parlement, auquel ils tenaient par tant de liens, s’opposerait toujours certainement à un tel moyen de procédure.

On comprend que, dans ces conditions, le commissaire se trouvât bien empêché : aussi n’avançait-il guère. En toute autre affaire, avec un commencement de preuve, il se fût tiré d’embarras par l’emploi de la question. Mais on ne le laissa pas libre de s’aider du ministère du bourreau. La plupart de « messieurs » étaient d’opinion que les aveux du prévenu, s’il en faisait, devaient être volontaires[1]. Cette mansuétude étonne en eux ; mais c’est Bisselius qui l’atteste, non sans les blâmer de leurs scrupules, et l’on peut en croire ce jésuite, qui avait eu communication des papiers du président Barthélemy de Gramond[2]. Craignaient-ils donc les révélations que la torture aurait arrachées au patient ? Voulaient-ils éviter que Pompeïo ne prononçât certains noms ?

Il restait au commissaire une ressource, à défaut de celle-là : c’était d’affecter la douceur, suivant la louable coutume de l’Inquisition. Il usa de cet artifice ; mais les bonnes paroles, les vagues promesses d’indulgence furent sans effet. Pompeïo était en garde contre les délicieux mirages du pardon. Il avait pris le parti d’être pieux autant qu’on peut l’être et d’édifier même les geôliers. Le concierge de la prison était obligé, par le devoir de sa charge, à faire entendre la messe aux détenus et à leur procurer les sacrements au moins les jours de fête[3]. Mais Pompeïo n’avait pas attendu son intervention. Appelant sans cesse son confesseur, communiant toutes les semaines[4], comment pouvait-il reconnaître qu’il aurait mal parlé de la Vierge sans souillure, raillé les saints mystères, nié l’immortalité de l’âme, affirmé l’éternité du monde ? On tenta néanmoins de l’en faire convenir, car il fallait donner satisfaction au peuple, passionnément attentif à ce procès et qui comptait sur une condamnation. On se dit que son athéisme et son hérésie s’étaient facilement retranchés dans les pratiques de la dévotion, mais qu’as-

  1. Bisselius, Septenn., etc.
  2. Arpe, Apologia pro J. C. Vanino.
  3. Gabriel Cayron, édition citée, p. 632.
  4. Barthélémy de Gramond, Historiarum Galliæ, libri XVIII, p. 208-210.