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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

donné avait été repris, et l’on eût dit que la cour avait pris à cœur d’en précipiter le dénouement. Cependant la ville était tout entière aux fêtes et aux plaisirs. On jouait la comédie au collège de l’Esquille, et quelle comédie ! « La chasse de Méléagre et d’Atalante contre le sanglier envoyé par Diane pour ravager les terres et le royaume d’Enée, roi de Chalcédoine, sur le mépris qu’il fit de ses autels[1]. » À la place du Salin, on dansait le ballet des Quatre Parties du monde, et c’étaient le duc de Montmorency, le comte de Caraman, les barons de Montant et de Pordéac et le marquis de Mirepoix qui conduisaient les quadrilles. Les inconstants de l’Asie, les hardis de l’Afrique, les heureux de l’Amérique, les aimables et infortunés de l’Europe, y faisaient assaut de grâce et de magnificence[2]. Mais ces spectacles n’avaient pas interrompu l’action de la justice. Le commissaire du Parlement n’en avait pas moins fait son œuvre. En huit jours, il avait interrogé, confronté témoins et accusé, et terminé l’instruction.

Vanini, au cours de ces épreuves, se défendit assez mal. Il y a de la présomption dans le peu qui reste de ses réponses. Il s’était persuadé qu’on ne pouvait pas le condamner ; ses adversaires lui paraissaient peu redoutables ; il ignorait à la vérité quelle autorité singulière et triomphante venait de s’attacher au personnage de Francon. Ce gentilhomme était toujours, à ses yeux, l’esprit borné qu’il avait connu ; quant à Baro, il le regardait comme un enfant sans conséquence. Il prit à leur égard une attitude dédaigneuse et malheureusement théâtrale ; il se prévalut même contre eux, par je ne sais quel aveuglement, du caractère sacré dont il était revêtu, jusqu’à demander « qu’on ne comparât point les Francon et les Baro à un prêtre du Roi des rois[3]. »

Il n’est personne qui ne sente la vanité et le danger d’un pareil système de défense. Vanini n’avait plus évidemment le sentiment juste de sa situation. Malgré sa vive intelligence, il ne comprenait pas que, depuis l’intervention de Francon, l’espèce de son procès n’était plus la même. Tout à l’heure, il n’avait qu’à justifier son orthodoxie, et, savant comme il était, il avait pu rester maître d’en faire éclater l’intégrité. À présent, il s’agissait de savoir qui de lui ou du gentilhomme gascon méritait le plus de créance. Il ne dépendait pas de lui de fixer à son gré le poids et la valeur de sa parole, car, pour faire pencher la balance de son côté, qu’avait-il ? Rien que son incognito et les méfiances qu’il inspirait. On imagine l’effet que pouvait produire sur l’esprit des juges le malheureux parallèle qu’il osait

  1. Bissel., Septenn., p. 315.
  2. Annales manuscrites de l’hôtel de ville de Toulouse, tome VI, fol. 40.
  3. Ibidem., p. 316.