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fois ce que Kant appelait formes à priori de la sensibilité et catégories de l’entendement, et les conceptions théoriques des sciences particulières. Peut-on cependant les confondre ? Les premières sont les conditions organiques de la représentation et de la pensée. Qu’elles soient les principes premiers, et par suite les cautions de tout notre savoir, qu’elles dirigent l’esprit en ses démarches les plus diverses, qu’elles soient à la base de toutes les sciences, on peut l’accorder à Whewell, sans méconnaître pour cela le caractère expérimental des conceptions plus particulières par lesquelles nous relions les faits en systèmes ordonnés. Ce sera, par exemple, un de ces principes que le principe de causalité. Mais de ce qu’aucun phénomène n’apparaît sans raison, nous ne connaissons pas pour cela les raisons des différents faits ; du principe de causalité, nous ne pouvons déduire à priori l’explication d’aucun phénomène. Tout au plus peut-on dire que, sous l’impulsion des idées fondamentales, nous introduisons entre les faits bruts et les principes des conceptions générales, suggérées par l’observation des faits, dont la valeur relative se mesure au degré de concordance qu’elles présentent avec les phénomènes et à l’ordre qu’elles y introduisent. Telles sont par exemple la théorie des ondulations lumineuses, la gravitation universelle, l’équivalence mécanique de la chaleur. Ce sont à la rigueur des idées fondamentales, mais en sous-ordre, pour ainsi dire ; elles sont non pas les prémisses, mais les conséquences de l’observation, le résumé toujours incomplet, et non le point de départ fixe de l’expérience.

De sa classification des idées fondamentales, Whewell déduit une classification générale des sciences qui porte la faute de son origine. Un premier groupe contient les sciences mathématiques pures, celles qui sont faites de matériaux à priori, géométrie, algèbre, calcul différentiel ; les idées d’espace, de temps, de nombre, de signe et de limite, avec les axiomes qu’elles impliquent, en sont les fondements. Au second rang se placent les sciences mécaniques pures, où n’entre rien de l’expérience, la mécanique et l’astronomie formelles, distinctes de la mécanique et de l’astronomie physiques, parce qu’en elles les vérités dérivent non des faits observés, mais de l’idée même de mouvement ; elles ont pour base l’idée de cause, avec ses dérivés, les concepts de la force et de la résistance. Un troisième groupe comprend les sciences mécaniques proprement dites : statique, dynamique, hydrostatique, hydrodynamique, astronomie physique. Viennent ensuite les sciences mécaniques secondaires, acoustique, optique formelle, optique physique, thermotique, atomologie ; puis les sciences analytico-mécaniques, électrologie, magnétisme, galvanisme, qui toutes reposent sur les idées d’exté-