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méthode que les philosophes ont jusqu’à présent suivie, et au lieu de prendre tantôt un château, tantôt un village sur la frontière, marchons droit à la capitale, au centre de toute science : je veux dire à la nature humaine elle-même. »

Je ne connais pas de théoricien moderne de la psychologie qui ait exprimé avec plus de force ce que l’on peut attendre de la science de la nature humaine, « le seul fondement solide pour les autres sciences », ni qui ait recommandé plus résolument l’application à la philosophie morale des méthodes de la philosophie naturelle. Quand M. Huxley déclare que « la philosophie est surtout le développement logique des conséquences contenues dans les principes établis par la psychologie », il n’est que l’interprète et l’écho de Hume ; il l’est encore quand il dit que « la psychologie ne diffère de la physique que par la nature de son objet et non par la méthode de ses recherches ». Sous ce rapport, rien de plus expressif que le sous-titre du Traité de la nature humaine, que ses traducteurs français ont eu le tort d’omettre : Essai pour introduire la méthode expérimentale dans les sujets moraux. Sans doute, Hume pousse le parallélisme des deux ordres de recherches jusqu’à dire que « l’essence de l’esprit nous est aussi inconnue que l’essence des corps » ; l’impossibilité d’arriver aux premiers principes est la loi commune de toutes les sciences. Mais la psychologie est une chose, la métaphysique en est une autre ; et qui donc ne reconnaîtrait pas aujourd’hui que, en dehors et au-dessous de tout raisonnement et de toute hypothèse métaphysique sur l’âme, il y a place, une large place, pour la psychologie empirique ou expérimentale ? C’est ce que Hume laissait entendre lui-même dans un passage important et trop peu remarqué du Traité, où, après avoir établi que les dispositions du corps déterminent des changements dans les sentiments et les pensées, il ajoutait : « On dira peut-être que cela dépend de l’union de l’âme et du corps. Je répondrai que nous devons distinguer la question qui concerne la substance de l’esprit de la question qui concerne la cause de sa pensée[1]. » Il y a là comme une porte laissée à demi ouverte pour le psychologue empirique et ceux d’entre les philosophes qui ne se contentent pas d’une psychologie phénoménale et qui veulent aller au delà.

Dira-t-on que Hume n’a pas connu ni pratiqué, qu’il s’est contenté de célébrer dans de vagues généralités la méthode expérimentale ? À coup sûr, on ne peut exiger de lui qu’il ait manié avec une préci-

  1. We must separate ihe question conrerning the substance of the mind from thal concerning the cause of its thought… (Hume, t. I, p. 315.)