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juge par les autorités précédentes, le droit impératif, terme préférable à celui de droit écrit, car le droit écrit, bien qu’il soit destiné à être impératif, ne Test pas toujours, certaines de ses dispositions pouvant tomber en désuétude : le droit impératif est celui qui s’impose par la force, contrairement au droit consultatif, qui ne s’impose pas ; mais il ne constitue guère qu’un système d’expédients provisoires, tandis que le droit consultatif cherche à établir des principes d’une vérité intrinsèque et permanente ; 5o  la jurisprudence des auteurs, qui sont les organes de la conscience juridique des peuples. Il faut les étudier en vue de découvrir les aspirations populaires, dont cette jurisprudence est l’expression, et qui souvent s’ignorent elles-mêmes. — En somme, M. de La Fléchère paraît attacher la plus grande importance pour le juge à discerner la volonté sociale, les opinions du peuple : lumière qui, semble-t-il, est vacillante et même imperceptible en bien des points de jurisprudence. Croit-on en tout cas trouver de ce côté, dans ce pêle-mêle d’idées et de tendances si souvent divergentes, l’accord qui ne peut s’établir, affirme-t-on, sur le terrain du droit naturel ?

Nous venons de voir à quels documents il faut recourir pour connaître le droit. Reste à savoir les règles qui en constituent la théorie. C’est l’objet d’un dernier chapitre.

L’interprétation logique du droit (c’est-à-dire celle qui vise l’esprit, non la lettre) doit avoir pour instrument non la méthode traditionnelle ou méthode d’autorité, mais la méthode expérimentale. Cette méthode comprend : 1o  l’interprétation historique, qui s’efforce de retrouver les circonstances dans lesquelles les institutions sont nées et se sont développées : de là l’histoire du droit ; 2o  l’interprétation systématique, qui, de toutes les explications qu’on peut proposer pour une disposition juridique, choisit celle qui s’accorde le mieux avec les données de la science : de là la philosophie du droit. — En cas de contradiction, on applique les deux principes de la postériorité : « La loi nouvelle prime la loi ancienne, » et de la spécialité : « La loi spéciale, même plus ancienne, déroge à la loi générale, même plus récente. » Mais ces deux principes ne sont pas toujours suffisants. Par exemple, dans une confédération, il peut y avoir conflit entre le droit commun et le droit particulier de chaque peuple confédéré. Que faire alors ? Il semble que la prédominance du droit particulier ait été le principe primitif : on le retrouve dans les lois de Manou ; on en distingue des traces jusque dans le code de Justinien, et on le voit nettement prévaloir dans le régime de l’ancien empire allemand, où les conventions des parties primaient les statuts des villes, qui primaient eux-mêmes le droit du territoire, lequel primait à son tour le droit impérial. Au contraire, la prédominance du droit commun tend maintenant à s’établir, et rien n’est plus juste, quand le pouvoir central a pour lui la force. Ainsi donc, en vertu de cette « raison du plus fort » que l’auteur aime à alléguer et que les opprimés ont tant de mal à trouver « la meilleure », lorsque le pouvoir central est plus fort que le pouvoir local, le droit impératif