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condamné s’appellera Pompeïo Usiglio, et non plus, comme sur le registre de son curé et sur le titre de ses livres, Jules-César Vanini. On ne profitera pas de cette différence de noms — l’occasion serait pourtant bien tentante — pour nier l’identité des deux personnages. On se contentera d’expliquer comment un habitué de la cour du Louvre, — le boulevard Montmartre de ce temps-là, — comment l’auteur connu sinon célèbre de douze ouvrages de controverse ou d’histoire naturelle, est venu se faire condamner à Toulouse sous un pseudonyme, en qualité d’étranger, d’inconnu et d’aventurier ; car telle est la vérité.

Or, cette vérité, il ne faut pas s’étonner qu’elle soit restée si longtemps ignorée et qu’elle ne se produise au jour qu’après deux cent soixante ans. Il y a dans la vie de Vanini des obscurités que lui-même a faites, dont il s’est lui-même volontairement enveloppé. Les biographes anciens qui ont cherché à les pénétrer ne font pas difficulté d’avouer qu’ils n’ont pu y réussir. — Ils avaient l’espérance que tous les voiles tomberaient si le Parlement de Toulouse consentait à publier les pièces du procès. Mais cette cour ne déféra jamais à leur vœu, si tant est qu’elle en ait eu connaissance, ou qu’elle pût encore l’accomplir. Il semble même qu’elle ait voulu abolir le souvenir de son arrêt. Le greffier Malenfant le passe sous silence dans son journal du Palais, qu’on nomme improprement ses mémoires. Lui, qui rapporte si curieusement les principales affaires criminelles, ne dit pas un mot de Vanini. Je sais bien que M. Cousin a publié, dans la Revue des Deux-Mondes de décembre 1843, une relation qu’on lui avait donnée comme extraite de ces prétendus mémoires. Mais, je l’avoue, j’en suis encore à comprendre comment un appréciateur si délicat et si passionné des choses du xviie siècle ne s’est pas méfié de ce document bâtard, de ce pastiche grossier, qui s’évertue à imiter le style de Rabelais et même celui de Froissart plutôt qu’il ne rappelle la langue d’un contemporain de Mme de Longueville. Il faut se hâter de déclarer que cette pièce est de l’invention d’un faussaire que Toulouse connaît trop bien : c’est celui-là même qui a fait revivre quelque temps le nom de Tétricus. — Elle est fausse dans tout son contexte, comme on le verra dans les pièces justificatives de cette étude ; mais, de plus, elle ne se trouve pas dans les trois seuls exemplaires connus de Malenfant. M. Dumège, car c’est lui, y renouvelle avec de grands développements et des flots de couleur locale l’accusation infâme portée par le Père Mersenne contre le philosophe napolitain. Il ne s’est pas avisé que si ce crime eût été si bien avéré, si bien prouvé, comme il le dit, « par des procès-verbaux qui sont ès-archives, » la condamnation n’eût guère