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Par extension, ce sera la lumière immortelle et impérissable, que nulle puissance ne peut voiler ni cacher plus d’un jour, tandis que Diti signifiera ce qui est mortel, périssable, enchaîné dans les liens de la matière. Il semble que cette étymologie est bien simple et que de plus elle se trouve confirmée par les légendes auxquelles nous venons de faire allusion.

C’est à la partie purement philosophique du beau livre de M. Max Müller que nous adresserons nos principales objections. Parlons d’abord de ces chapitres où il refuse énergiquement de voir dans le fétichisme la religion primitive de l’humanité. Il donne du fétichisme une définition fort exacte philologiquement quand il dit que « c’est le respect superstitieux ressenti ou témoigné pour de véritables brimborions, sans titre apparent à une telle distinction. » Le malheur est que, parmi les philosophes qui ont placé la fétichisme à l’origine des religions, aucun n’a jamais pris ce mot dans le sens étroit et rigoureusement exact où le prend M. Max Müller ; ils entendent en outre par fétichisme ce que ce dernier en distingue avec soin sous le nom de physiolâtrie, ou culte rendu à des objets naturels autres que des brimborions, et de zoolâtrie, ou culte rendu aux animaux. Les réfutations de M. Max Müller n’atteignent donc pas réellement la doctrine qu’il veut réfuter et à laquelle il oppose sa théorie propre.

Pour élucider la question, nous laisserons entièrement de côté les mots mal définis, comme fétichisme. Au fond, le problème agité ici est des plus graves : il s’agit de savoir si la religion a une origine objective, si elle nous est donnée avec nos perceptions mêmes, si enfin elle a sa justification dans la nature de notre intelligence et du monde extérieur saisi par elle ; ou au contraire si elle est sans réel fondement objectif, si elle naît d’une interprétation inexacte des phénomènes, si elle a été inventée par l’homme au lieu d’être fournie par les choses. En deux mots, la religion se ramène-t-elle à la superstition, ou au contraire la superstition n’est elle qu’un dérivé et une altération de la religion ?

Il est évident à notre époque que la croyance à tel ou tel dieu déterminé, Indra, Jupiter ou Jéhovah, est une superstition ; mais M. Max Müller emploie un moyen ingénieux pour sauver l’origine de ces croyances compromises ; suivant lui, la notion du divin (sous la forme de l’infini) aurait précédé celle des dieux. Les dieux ne seraient qu’une personnification postérieure de cette grande idée naturelle à l’homme ; nos ancêtres se sont agenouillés même avant de pouvoir nommer celui devant qui ils s’agenouillaient ; de nos jours encore, où nous finissons par reconnaître pour vains tous les noms qui ont été donnés au dieu inconnu, il nous est possible de