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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

la procédure. Les écritures du greffier criminel vaudraient mieux que tout cela, j’en conviens ; notre curiosité s’y instruirait plus sûrement des particularités du procès, mais elle n’en tirerait rien de plus. Je me suis convaincu, après une étude attentive, que ce n’était pas là, ni dans les doctrines de Vanini, que devait se trouver la clef de sa destinée : je l’ai cherchée dans sa vie, que je vais maintenant raconter.

I

Vanini naquit à Taurizano[1], au diocèse de Lecce, dans la terre d’Otrante, vers le mois de février 1586. Sujet espagnol, comme tous ceux de sa province, il était de plus dans la clientèle du vice-roi de Naples, François, comte de Castro, fils et successeur de ce comte de Lémos qui fut le protecteur de Cervantes[2]. Son père, Jean-Baptiste Vanini[3], était depuis longues années intendant du comté de Castro ; il faisait sa résidence habituelle au village de Taurizano, chef-lieu d’un duché qui appartenait aussi au vice-roi, où l’on montre encore sa maison[4]. C’était un vieillard sain, encore vert, d’humeur agréable et gaie, qui prenait la vie doucement. Il ne s’était décidé que fort tard à se marier[5]. Peut-être même n’y aurait— il jamais songé, si l’on ne l’avait mis en demeure de le faire. Je suppose que sa femme Béatrix Lopez de Noguera[6] et sa belle-sœur Isabelle, qu’il recueillit chez lui[7], étaient deux orphelines, filles de quelque pauvre gentilhomme espagnol, auxquelles le vice-roi avait voulu procurer un établissement. Je ne m’explique pas autrement comment une personne de naissance, riche d’aïeux, florissante de jeunesse et très fière de son origine, aurait consenti à épouser un homme d’affaires qui avait soixante-dix ans[8].

Une fois marié, le bonhomme se prépara, comme dira plus tard son fils, à travailler sérieusement pour l’éternité. Doutant de ses forces, un peu trop languissantes, il leur donna pour auxiliaires l’usage d’un vin généreux et l’influence du printemps[9]. Il eut ainsi deux fils, dont l’un, l’aîné probablement, profita tout d’abord du bon vouloir du vice-roi. Il entra au service du comte de Castro, et, sans que nous sachions à quel titre, il fut comblé de ses bienfaits[10].

  1. J.-C Vanini, Amphitheatrum, dédicace ; De arcanis, p. 161.
  2. Amphith., dédicace, p. 6.
  3. Amphith., dédicace, p. 9.
  4. Moschettini : Vita di Vanini dans Rivista Europea du 16 mars 1879.
  5. De arcan., p. 321, 322.
  6. De arcan., p. 493.
  7. De arcan., p. 259.
  8. De arcan''., p. 321, 322.
  9. De arcan., p 321, 322.
  10. Amphith., dédicace, p. 9.