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richet. — de l’influence des mouvements

En troisième lieu, le mouvement peut être communiqué. Si par exemple quelqu’un me prend la main et me tire le bras pour l’étendre, mes muscles de l’épaule, du bras et de l’avant-bras changeront d’état, de tension, de tonicité, et cette modification musculaire, qui n’est pas une véritable contraction, sera cependant, tout aussi bien qu’une contraction, perçue par les centres nerveux.

L’influence de ces mouvements communiqués sur l’association ou la production des sentiments et des idées est très remarquable, surtout dans certains cas pathologiques.

On sait, depuis les expériences de Braid, que, chez les individus hypnotisés ou somnambules, il suffit de donner aux membres une certaine attitude pour que des sensations en rapport avec cette attitude prennent aussitôt naissance. Ainsi, par exemple, à un individu hypnotisé, si on ferme le poing droit et si on étend le bras, aussitôt la figure prendra l’expression de la colère, de la menace, et tout le corps se conformera à cette altitude générale de colère ou de menace. Si on lui fait joindre les mains, les traits prendront une expression suppliante ; il se mettra à genoux et semblera par toute son attitude implorer humblement la pitié.

Chez certaines hystériques, telles par exemple que certaines malades de la Salpêtrière qui sont dans le service de M. le professeur Charcot, on observe facilement des phénomènes de ce genre, et rien n’est plus instructif que ces observations.

Naturellement, chez toutes les malades, les phénomènes ne sont pas aussi nettement accusés. Plus l’intelligence est développée, plus les idées provoquées par des attitudes sont exprimées avec puissance. Sur une de ces malades particulièrement, il suffit d’un très faible mouvement pour provoquer immédiatement une série de sentiments exprimés par des mouvements très compliqués. Lorsque L*** est endormie, soit par des passes, soit par le tam-tam, il suffit de lui faire faire un geste pour qu’aussitôt toute son attitude se conforme à la signification de ce geste. Ainsi, en lui mettant la main droite à la bouche comme si on lui faisait envoyer un baiser, aussitôt elle se met à sourire, et sa figure prend une expression amoureuse ; si on lui lève l’index droit en le mettant horizontalement à la hauteur de l’œil, elle s’imagine qu’un oiseau vient s’y placer ; alors elle le caresse et se fait becqueter par lui. Un geste indiquant l’éloignement lui fait croire que l’oiseau s’est envolé : elle court dans la salle et suit des yeux l’objet imaginaire, etc.

Ces faits, d’une assez grande importance psychologique, ont reçu le nom de braidisme ou de suggestion. Il est assez remarquable que la suggestion peut être localisée à un côté du corps, en sorte qu’en