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ANALYSESlewes. — The study of psychology.

absurde de prendre ces termes, nerveux et mental, pour l’équivalent de concave et convexe (§ 45). »

Mais Stuart Mill ne se plaça jamais au point de vue de l’union inséparable des deux ordres, subjectif et objectif. « Tous les phénomènes de l’esprit, dit-il dans une phrase vivement combattue par Lewes, sont immédiatement causés soit par d’autres états de l’esprit, soit par des états du corps. » C’est imaginer évidemment qu’il peut y avoir des états mentaux qui ne soient pas en même temps des états du corps. Pareille conception de la part d’un psychologue, qui d’ailleurs ne croyait pas à l’existence d’un esprit substantiel animant le corps, est d’abord une étrange inconséquence. Ce qui est plus grave, c’est que l’affirmation est matériellement erronée. « Les étals de l’esprit, dit Lewes, sont toujours causés par des états de l’esprit ; c’est seulement du point de vue objectif qu’ils sont des états du corps. » Exemple : la mélancolie. C’est un état mental dont la loi est psychologique, quand on se place au point de vue subjectif, la cause étant une affection déçue ou une mauvaise spéculation financière ; ici, les conditions sont des événements psychologiques où n’entre pour aucune part l’idée des conditions organiques. Mais cette même mauvaise humeur est aussi un état de l’organisme. Considérez-la objectivement : c’est une perturbation des sécrétions organiques, une altération de l’équilibre nerveux. Les séquences de faits sont maintenant toutes physiologiques, comme tout à l’heure elles étaient purement psychologiques[1].

La question, souvent posée par les défenseurs d’une psychologie indépendante, est celle-ci : tous les états de l’esprit sont-ils, aussi bien que les sensations, dans la dépendance d’états nerveux définis ? Loin de prendre parti pour l’affirmative, Stuart Mill en venait à dire qu’il était rationnel d’admettre que les idées, à la différence des sensations, « pourraient bien être rappelées en vertu de lois mentales totalement indépendantes de conditions matérielles. » C’est, répond Lewes, comme si un physicien parlait d’un mouvement qui en produirait un autre par une simple influence dynamique, en l’absence de tout moteur matériel et de conditions de mouvement. Et pourtant Stuart Mill professait avec les psychologistes contemporains que l’esprit est une fonction de l’organisme.

La doctrine de l’évolution qui fait émerger la vie mentale des formes graduellement intégrées de la vie eût dû, semble-t-il, conduire M. Spencer à ranger la psychologie parmi les sciences biologiques. Pourtant Spencer parle de la distinction et même de l’opposition de la biologie et de la psychologie (voy. Princ. de psych., I, page 140, trad. fr.). Il met à part l’œstho-physiologie, où il traite des phénomènes

  1. Cf. Bain, l’Esprit et le Corps, ch. 6 : « Il n’y a pas action de l’esprit sur le corps et action du corps sur l’esprit ; il y a l’esprit et le corps réunis déterminant un résultat à la fois moral et physique, ce qui est une action bien plus facile à comprendre. » Le passage, qui est à lire en entier, éclaircit admirablement la pensée de Lewes.