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déjà longue où figurent les Alfred R. Wallace, les William Crookes[1], les Varley, les Davies, les Atkinson, etc., — nous n’avons sans doute pas besoin d’ajouter que, pour tout homme simplement instruit et capable de conduire sa pensée avec méthode, les prétendues manifestations spirites ne sauraient être l’objet d’un examen scientifique, comme le voudrait Ulrici. Selon notre sentiment, tous les faits allégués (et ces faits sont partout et toujours les mêmes) relèvent ou de la psychiatrie, ou de l’art de la prestidigitation, ou de la police correctionnelle.

Wundt commence par noter qu’Ulrici, par lui-même, n’a rien vu ; sa foi nouvelle repose uniquement sur l’autorité de quelques témoins. — Mais ces témoins, dit Ulrici, sont des physiciens, des naturalistes ; n’est-ce point là une autorité scientifique ? — À quels signes, répond Wundt, reconnaît-on une autorité scientifique ? Quelle confiance doit-on accorder au témoignage d’autrui, touchant les faits et les doctrines de nos sciences ? Touchant la première de ces questions, il est clair que, parce qu’un homme est éminent dans une science, il ne suit pas qu’il possède dans toutes la même autorité scientifique. Le grand nom d’Isaac Newton n’a pu sauver d’un rapide oubli le commentaire du géomètre sur l’Apocalypse. Les naturalistes anglais et allemands qu’invoque Ulrici, éminents dans leurs sciences respectives, étaient incompétents pour juger des phénomènes si différents de ceux qu’observe d’ordinaire le naturaliste. Toutes les méthodes scientifiques reposent, en effet, sur le principe de la constance et de l’invariabilité des lois de la nature ; on admet comme un postulat que, telles conditions étant réalisées, tels faits suivront nécessairement. Le physicien n’admet ni caprice ni hasard dans l’univers. Au contraire, les « phénomènes » spirites ignorent toutes les lois de la physique, ou plutôt ils affectent de les braver.

Impossible de saisir un ordre quelconque, une succesion ou quelque enchainement régulier dans les manifestations de cette nature. Les savants qui ont examiné les prétendus faits révélés par Slade ont accordé à ce sujet d’étude la confiance qu’ils ont accoutumé d’accorder aux objets ordinaires de leurs observations. Mais vraiment ce n’était point le cas. Ainsi on a constaté que Slade avait exercé une réelle influence sur les mouvements d’une aiguille aimantée. Mais Zöllner avait parlé au médium de cette expérience ; celui-ci s’y était préparé ; il l’avait déjà exécutée à Berlin. Tout ce qui s’est passé en cette occur-

    s’écrie précisément cet écrivain spirite, un bien précieux ami, et qui se préparait à être un missionnaire de notre foi, l’apôtre de la Germanie. » (Licht, mehr Licht ! No 1, p. 11.)

  1. Le premier numéro d’un journal spirite, imprimé en allemand, qui vient de paraître à Paris, Licht, mehr Licht ! publie précisément sous ce titre : Phénomène de matérialisation, un long récit de la dernière apparition de l’esprit de Katie King, et de la manière dont elle fut, à diverses reprises, photographiée à la lumière électrique par l’illustre inventeur du radiométre, William Crookes. On sait que le photographe du boulevard Montmartre, Buguet, qui s’était fait une spécialité de ce genre de photographies, a é condamné, en 1875, à un an de prison et à 500 francs d’amende.