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d’une « psychologie sans âme », une bonne critique de Herbart et de l’associationisme anglais (p. 419 et suiv.), à propos duquel il met en doute « si le domaine des phénomènes psychiques peut être converti en un enchaînement causal, sans qu’il soit nécessaire de le ramener aux théories des sciences physiques. »

La quatrième et dernière partie est consacrée au matérialisme moral. Ici, la pensée de l’auteur nous a paru plus vague, soit à cause de la nature des problèmes traités, soit par un certain défaut d’enchaînement, soit à cause des hésitations de sa critique. On sait que, loin de se confluer dans les questions purement spéculatives, Lange avait donné une attention particulière à l’élude des questions sociales, et qu’il a même écrit un livre sur ce sujet (Arbeiterfrage). Pour lui, « l’essence du matérialisme moral est dans la préoccupation exclusive des intérêts individuels. » C’est de ce point de vue qu’il combat certaines théories économiques qui sont pour lui « la dogmatique de l’égoïsme ».

Les questions religieuses préoccupaient vivement Lange. Dans l’un des articles précités (tome IV, p. 400), M. D. Nolen a montré combien sur ce point sa pensée était flottante, et dans le dernier chapitre de son livre elle se produit sous la forme de critiques plutôt que d’affirmations. J’y relève cependant un passage qui vaut la peine d’être cité, comme traduisant l’une de ses aspirations (p. 534-535) : « Un certain culte de l’humanité est en voie de naître ; mais heureusement il ne renferme aucun germe d’une Église à formes exclusives ni d’une caste sacerdotale. Les fêtes en mémoire des grands hommes, de la fondation des foyers importants de culture, de la création d’établissements et d’association de bienfaisance ; les grands congrès nationaux et internationaux destinés à développer les sciences et les arts ou à propager des principes importants, préludent au culte de l’humanité par des essais bien plus salutaires que le calendrier des saints capricieusement rédigé par Comte. Mais, encore que lui puisse reconnaître ici le commencement d’un culte de l’humanité, ce culte n’a du moins en soi rien de l’essence de la religion. Nous avons déjà mentionné l’absence d’une caste sacerdotale ; de plus, sous le point de vue intérieur, l’esprit de ces nouvelles créations, qui doivent élever le cœur et unir les forces par la lutte en faveur des hautes aspirations de l’humanité, est complètement différent de tout ce que nous sommes habitués à appeler religion. Dans les grands hommes, nous ne célébrons pas des dieux à la puissance desquels nous nous sentons assujettis, mais de magnifiques fleurs et fruits d un arbre dont nous aussi faisons partie. Même l’incontestable dépendance de nos pensées et de nos sensations relativement aux formes que les grands génies des temps passés ont marquée de leur sceau n’est pas conçue dans le sens d’une soumission religieuse, mais comme un joyeux hommage rendu aux sources vitales auxquelles nous puisons, sources qui ne cessent de jaillir et qui promettent de répandre toujours une vie nouvelle et luxuriante. »

A. B.