était sous presse, ils eurent occasion d’expérimenter la science qui s’y trouvait déduite, sur un portrait de Martin Luther[1]. À certain signe propre à Mercure, ils devinèrent que cet homme était un apostat. Un autre signe, caractéristique de Vénus, leur révéla que le même Luther était fort aimé de ses compatriotes. Ô grande vertu de l’astrologie !
L’impression achevée, ils s’embarquèrent sur le Rhin, non sans hésitation : Genocchi avait aperçu un corbeau, il avait peur d’un naufrage. Il fallut pour le décider à partir que Vanini l’entraînât par son exemple[2]. Le philosophe était très fier de cet exploit ; il a pris soin de dire, et de son temps, après tout, cela n’était peut-être pas inutile, qu’ils descendirent le fleuve sans encombre, malgré le corbeau. Je n’ai pas à nommer tous les lieux où ils s’arrêtèrent ; cela serait difficile, et assurément fort oiseux. Je ne hasarderai même pas de supposer qu’ils firent séjour à Cologne, dans la patrie d’Albert le Grand et de Corneille Agrippa, deux auteurs que Vanini avait beaucoup lus et qu’il a beaucoup critiqués. Leurs principales stations, que l’on connaît, Amsterdam[3], Middelbourg, où l’on venait d’inventer les télescopes, et Flessingue, Anvers, Malines, Bruxelles, indiquent suffisamment leur itinéraire[4]. Partout où ils passent, les divers savants que Vanini veut être profitent de leur mieux des faits qui se présentent. En Hollande, le philosophe remarque que les opinions sont libres ; il ne l’oublie pas : plus tard, quand il aura besoin d’un athée comme homme de paille pour hasarder ses théories, c’est là qu’il ira le prendre[5]. Dans les ports de la Zélande, l’astronome observe Faction de la lune sur les mouvements de la mer et prend note des heures du flux et du reflux[6]. À Flessingue, des gens mordus par un chien enragé courent à l’envi se baigner dans la mer[7]. Est-ce un remède ? C’est au médecin de voir ; en tout cas, cela vaut mieux que le pèlerinage au sanctuaire de Saint-Vito, près de Bari, qu’on préconise dans la Pouille[8]. À Anvers, le physicien se met en colère contre Albert le Grand : décidément ce capuchon n’est qu’un faiseur de dupes ! que de fois n’affirme-t-il pas que le fer ne peut briser le diamant ! Or cela n’est pas exact : Vanini le sait pour avoir répété une expérience de Cardan[9]. Philosophe, en êtes-vous bien sur ? Un diamant qui se laisse mettre en poudre par un simple marteau a tout l’air d’un diamant bien complaisant ou bien trompeur. Sage qui s’en serait méfié. Quand vous engagiez votre