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l’Italie qui, jusqu’ici un peu en retard, s’engage à son tour sur ce terrain. Tandis que M. L. Ferri, en racontant les trois premières années d’une enfant, cherche dans l’analyse des âmes enfantines les principes d’une éducation naturelle, un professeur de l’Université de Bologne, M. Siciliani, essaye d’organiser la science pédagogique, d’en régler les méthodes, d’en établir les lois générales.

Le livre de M. Siciliani est le résumé d’un cours professé pendant trois ans, de 1877 à 1879, dans la chaire de philosophie de Bologne. Il a par suite les caractères plutôt d’un programme un peu bref que d’un traité complet et approfondi sur la matière. En le publiant quelques jours après l’apparition de l’Encyclique Æterni Patris sur la restauration de la philosophie chrétienne, l’auteur a voulu opposer les efforts d’une pédagogie vraiment scientifique, toujours en mouvement et en progrès, aux prétentions de la pédagogie orthodoxe, emprisonnée et immobilisée dans ses formes vieillies. Attaqué vivement pour cet acte de hardiesse par la Civilta catholica et les autres journaux de l’Italie cléricale, M. Siciliani mériterait déjà, rien qu’à ce titre, l’attention bienveillante de tous les esprits critiques et libéraux.

Il s’est rencontré parfois des savants qui ne parlaient qu’avec timidité et réserve de l’utilité de leur science. Par exemple, on a pu reprocher non sans raison à la Logique de Port-Royal de ne pas être assez éprise d’elle-même, de ne pas croire suffisamment à l’efficacité de ses préceptes. Ce défaut n’est pas celui de M. Siciliani. Peut-être, pour faire valoir l’intérêt des études pédagogiques, n’était-il pas nécessaire de pousser les choses jusqu’à dire que la pédagogie est la première des sciences, « la science par excellence du siècle ». Il est vrai que, quand il s’agit de fonder une science nouvelle, l’enthousiasme n’est jamais de trop. Il n’est pas inutile d’avoir une foi très vive dans l’avenir de la pédagogie, et il est excusable même de le dire avec emphase, quand on a à lutter contre l’indifférence ou les préjugés. En Italie comme en France, le mot de pédagogie est encore froidement accueilli, et, comme le dit M. Siciliani, « il sonne comme le mot pédantisme. »

Après un préambule où il montre l’importance de l’éducation et la compare à une sorte de sélection artificielle exercée sur l’homme par l’homme lui-même, M. Siciliani indique les grandes divisions de son cours, divisions qui correspondent précisément aux trois parties de la science pédagogique telle qu’il la conçoit, la pédagogie historique, la pédagogie théorique, la pédagogie appliquée.

I. Pédagogie historique. — C’est la partie la plus facile du sujet, mais celle aussi qui comporterait le plus de développement, vu le nombre et la variété des systèmes d’éducation. M. Siciliani semble s’être contenté de suivre rapidement à travers les siècles la marche et les progrès de l’idée pédagogique, en rattachant les diverses doctrines aux grandes périodes de la civilisation. Après quelques mots sur l’éducation orientale, qui a pour irait caractéristique d’être religieuse et théocratique, et