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analyses. — g. neudecker. Geschichte der Æsthetik.

mande, en faisant ressortir ce qui principalement nous intéresse et y ajoutant quelques remarques.

I. L’article consacré à l’esthétique kantienne ne fait guère que reproduire les défauts déjà bien des fois signalés ; mais il ajoute encore à la sévérité des critiques antérieures. Ces reproches, formulés un peu durement, mais fort bien motivés, sont : 1o la prétention mal fondée à l’universalité du jugement esthétique ; 2o l’absence d’un critérium du beau ; 3o l’idée même du beau omise par Kant ; 4o des négations plutôt que des affirmations du vrai beau ; 5o le manque de règles pour distinguer le beau du laid dans les œuvres de l’art. Ces défauts, selon nous, sont les conséquences rigoureuses du subjectivisme kantien, et l’auteur les a parfaitement mis en lumière. On pourrait trouver d’autres côtés non moins aisément attaquables. La distinction du beau et de l’agréable, si souvent reproduite d’après Kant, elle-même n’est-elle pas contestable ? N’y a-t-il pas deux sortes de plaisirs, les uns intéressés, les autres désintéressés ? et le beau est-il à lui seul l’objet d’un plaisir désintéressé ? Le beau est distinct du bien, selon Kant ; mais a-t-il nettement marqué la différence ? Kant distingue aussi le beau du vrai ; sa distinction est-elle mieux établie ? La critique relève ces côtés faibles. La théorie de l’art de Kant est jugée aujourd’hui non seulement très incomplète, mais très superficielle. Mais le défaut capital de cette esthétique, c’est l’absence d’une définition réelle du beau ; il y a plus : la négation de la possibilité d’une telle définition, dit très bien notre auteur, est peut-être le noyau de l’esthétique kantienne. Le scepticisme est au bout de cette théorie.

Si toutes ces critiques sont justes, et il est difficile de le méconnaître, on aura peine à trouver inexact ou trop sévère le début de l’article : « La Critique du jugement est souvent désignée comme un catéchisme esthétique ; elle devrait dès lors contenir les vérités fondamentales qui forment le contenu élémentaire incontestable de nos convictions esthétiques. Un aperçu du contenu de cette critique fait reconnaître dans cette expression une flatteuse hyperbole, etc. »

Cela n’empêche pas l’auteur de reconnaître les mérites incontestables de l’œuvre de Kant : l’impulsion vigoureuse qu’il a donnée à la science, la supériorité de sa méthode, les côtés les plus difficiles et les plus importants du problème esthétique signalés et mis en lumière, soumis à la critique, etc.

II. L’auteur consacre ensuite une étude étendue et approfondie à l’idéalisme esthétique, représenté par Th. Vischer. On sait que le grand travail de cet esthéticien a pour inspirateur Hegel, qui en a fourni les bases et la méthode ; l’œuvre de systématisation et les détails appartiennent au disciple. M. Neudecker prend à partie Vischer et lui fait subir le même examen critique. Il montre d’abord qu’en prétendant avoir abandonné l’hégélianisme il se trompe, et qu’en réalité il n’en est pas sorti. Ceci nous touche peu, mais nous devons plus d’attention aux reproches qu’il lui adresse comme hégélien et qui por-