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e. beaussire. — du droit naturel.

la doctrine de la vertu. Dans le premier de ces ouvrages, il réduit, comme Pufendorf, le droit naturel aux actions extérieures ; mais ce n’est plus une précaution philosophique bientôt mise en oubli, c’est le point de départ d’une série de déductions ingénieuses ou profondes, embrassant toutes les parties du droit naturel et s’efforçant de les dégager de toute considération purement morale.

La distinction du droit naturel et de la morale a été plus d’une fois méconnue depuis Kant. Souvent aussi, elle a été obscurcie par les efforts mêmes que l’on a faits pour l’établir d’une façon plus solide ou plus profonde. Aujourd’hui encore, elle appelle une démonstration rigoureuse pour prendre enfin dans la science une place incontestée. C’est notre excuse si nous essayons, après tant de grands esprits, de donner cette démonstration nécessaire.

Lorsque Kant renferme le droit dans la sphère des actions extérieures, il n’entend pas exclure ces actions de la morale. Elles peuvent avoir une valeur morale, mais elles ne l’ont pas par elles-mêmes ; elles ne l’ont que par leurs motifs, c’est-à-dire par leur union à des actions intérieures. Elles n’ont besoin, au contraire, d’aucun complément pour avoir une valeur juridique. Ainsi (c’est l’exemple même de Kant), le respect d’un contrat est en lui-même, abstraction faite de tout mobile, un acte strictement et parfaitement conforme au droit ; mais ce n’est un acte vraiment moral que si le contrat est respecté avec la conscience claire d’un devoir et la ferme volonté de le remplir. Cette distinction est-elle suffisante ? Est-elle même bien exacte ? La considération des actes intérieurs est-elle toujours étrangère à l’idée du droit ? Il est toute une partie du droit, le droit pénal, dont cette considération est un élément évidemment nécessaire. Un acte n’est punissable, au point de vue du droit comme à celui de la morale, que lorsqu’il a été accompli volontairement, dans une intention mauvaise. Le droit pénal ne descend pas sans doute dans les choses de l’âme aussi profondément que la morale ; il y descend cependant, au nom et dans la limite des intérêts sociaux qu’il représente. Le droit civil lui-même, dans une moindre mesure, ne peut pas davantage se dispenser d’y descendre. Le respect tout extérieur d’un contrat suffit au droit ; mais le droit ne l’impose que si le contrat lui-même a été librement consenti, c’est-à-dire s’il est l’effet, la manifestation d’un acte intérieur. Même un contrat librement consenti ne crée aucun droit s’il est entaché d’immoralité ; tant il est vrai que l’ordre juridique reste toujours non seulement uni, mais subordonné à l’ordre moral.

Et, sans nous arrêter aux différentes branches du droit, où trouvent place, dans leur généralité, les relations de droit, si ce n’est