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LA CROYANCE ET LE DESIR

LA POSSIBILITÉ DE LEUR MESURE

(fin)[1].


III

Critique de Bentham.

Nous avons cru montrer, dans ce qui précède, que la croyance et le désir, soit individuellement, soit collectivement, sont susceptibles d’évaluations plus ou moins rigoureuses. Mais les théories se jugent par leurs conséquences. Essayons d’appliquer la nôtre à la critique de Bentham, c’est-à-dire aux problèmes moraux et sociaux les plus ardus. Qu’on veuille bien se rappeler l’analyse par laquelle nous avons ramené le plaisir et la douleur au désir et à l’aversion. Elle méritait, je crois, de nous arrêter. D’abord, si l’on ne décompose pas le plaisir et la douleur, l’on peut et l’on doit être tenté d’expliquer par eux le bien et le mal. Or il n’est pas indifférent, en morale, de résoudre ces notions fondamentales en termes de désir et d’aversion, d’affirmation et de négation, ou en termes de plaisir et de douleur. Entre autres différences saisissables, si l’on adopte la première manière de voir, non seulement toute sensation, mais aussi bien toute perception et toute notion, en un mot tout ce qui peut être l’objet d’un désir ou d’une répulsion, est en soi-même bon ou mauvais ; si l’on se range au second point de vue, les seules choses bonnes ou mauvaises qu’on admette au fond sont certaines sensations privilégiées, qualifiées plaisirs et douleurs ; quant aux phénomènes intellectuels, associations et combinaisons d’images, raisonnements, notions, ils ne méritent les mêmes épithètes qu’indirectement, parce qu’ils sont regardés comme devant avoir pour

  1. Voir le No précédent de la Revue.