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UN IDÉALISTE ANGLAIS AU XVIIIe SIÈCLE


ARTHUR COLLIER[1]


I


On donne en philosophie le nom d’idéalisme à toute doctrine qui n’admet aucune différence substantielle entre les choses et les idées que nous en avons. Vouée, dès l’origine, à la réputation de paradoxe et aux railleries du sens commun, cette haute conception de l’existence a trouvé, presque à toutes les époques, des esprits indépendants pour la défendre. À l’aube même de la spéculation, le « vénérable » Parménide en formule les lois dans un grand poème dont il ne nous est resté que d’éclatants lambeaux. Son disciple Platon en adopte les principes, les développe, les embellit, les propage, à ce point fixés pour jamais que, bien des siècles plus tard, après l’écroulement de plusieurs civilisations, on les voit reparaître, patronnés par Descartes, Spinoza, Kant et Hegel. Ce rapprochement surprendra peut-être ; il n’est pas douteux pourtant que ces divers philosophes, si éloignés des premiers par les dates, ne leur soient unis par une constante communauté de conception et une sorte de solidarité spéculative. De même que leurs devanciers, ils sont non seulement des idéalistes, mais des idéalistes métaphysiciens. Sans invoquer les témoignages de ce qu’on appelle la conscience, sans observer et collectionner les phénomènes qui viennent comme rider la surface de notre esprit, ils s’élancent d’abord à une idée pure qu’ils étendent de manière à y tout engloutir. On pourrait les nommer des idéalistes a priori.

Plus modeste et bien à l’écart s’est élevée une Ecole différent qui, suivant une voie inverse, parvint aux mêmes conclusions. Bien moins métaphysiciens que psychologues, les penseurs de ce nouvel ordre arrêtèrent de préférence leur attention sur le petit monde que chacun porte en soi, négligeant le grand monde où il semble que

  1. Metaphysical tracts by English philosophera of the 18th century, édité par Samuel Pau (Londres, 1837). Memoirs of the Life and writings of the Rev. Arthur Collier, édité par Robert Benson.