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g. lyon. — un idéaliste anglais au xviiie siècle.

que nous ne savons pas. — Cette remarque était décisive et pouvait tenir lieu de toutes celles qui vont suivre.

2o  Un monde invisible, par conséquent inhabitable, serait une parfaite superfluité. Mais la sagesse de Dieu n’est point compatible avec une création sans but ; partant, il est impossible que Dieu ait créé un monde extérieur. — Le paralogisme est évident : Collier suppose que ce qui n’est pas connu de nous est pour cela inutile, prétention que Voltaire raillera si joliment dans ses contes.

3o  Le monde matériel est infini, disent les uns, et avec raison, puisqu’il remplit l’étendue infinie et qu’un espace vide est pour nous inconcevable ; il est fini, ripostent les autres non moins justement, car il est créé et ne saurait, en conséquence, égaler le Créateur. — C’est là un sophisme à la manière de l’école d’Elée et dont la solution est aisée. Les deux mots fini et infini n’ont point été pris dans le même sens, car le premier terme a trait à l’extension, le second à la modalité. Le monde pourrait fort bien occuper un espace sans limites, sans épuiser pour cela tous les attributs de l’Etre. La contradiction prétendue s’évanouit.

4o  Rien ne saurait être à la fois divisible à l’infini et formé de parties indivisibles : or telle serait la matière, si les partisans d’un monde extérieur disaient vrai. — Cette fois encore, une distinction est nécessaire, οὐχ ἁπλῶς φατέον. Parle-t-on d’une matière idéale, la divisibilité à l’infini est certaine ; est-il question d’une matière physique, il faut admettre l’existence d’atomes irréductibles. Et ainsi, de nouveau, l’antinomie disparaît.

5o  Un monde extérieur doit être capable de mouvements, au moins de ceux qu’il peut plaire à Dieu de lui imprimer, et cependant, ni dans son tout ni dans ses parties le mouvement n’est compatible avec sa nature. Son tout ne peut se mouvoir, puisqu’il occupe l’espace infini et que se mouvoir est se transporter d’un point de l’espace à l’autre ; ses parties, pas davantage, car chacune d’elles ne le ferait que suivant une ligne qu’elle diviserait, en la parcourant, en un nombre infini de points, ce qui est impossible pour bien des raisons : d’abord, parce qu’un nombre infini est une contradiction dans les termes ; en second lieu, parce qu’à ce compte, entre le plus long et le plus court, le plus rapide et le plus lent des transferts, la différence serait nulle, les uns comme les autres traversant une série infinie de points, et qu’enfin une éternité serait elle-même nécessaire pour accomplir le trajet, car à chaque point de la ligne suivie devrait correspondre un point correspondant de la durée. Pour toutes ces raisons, un monde extérieur est une conception contradictoire.