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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/401

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g. lyon. — un idéaliste anglais au xviiie siècle.

remplir la même scène. Il faut donc choisir : ou plus de Dieu, ou point de monde. — Restait, à vrai dire, une troisième alternative que le panthéisme adoptera et dont Collier ne s’est point avisé : ou bien le monde et Dieu confondus se développant suivant une même loi.

9o Le dernier argument n’est point nouveau pour nous et mérite peu que l’on s’y arrête. C’est, à proprement parler, bien plutôt une précaution oratoire, quelque peu tardive, qu’un raisonnement en forme. Collier se met à l’abri des grandes autorités philosophiques et en appelle tour à tour à saint Augustin et à Aristote, l’un et l’autre fort dédaigneux pour la matière, cette chose la plus basse de toutes, écrit le second, équivalente au néant.

Tels sont les divers théorèmes construits par l’auteur pour soutenir cette définitive conclusion, qu’un monde matériel extérieur est une supposition ou vide de sens, ou contradictoire. L’énumération terminée, Collier couronne la seconde partie de son ouvrage, comme il a fait la première, en répondant à l’avance à des objections présumées. Ces répliques sont remarquables, et quelques-unes au moins méritent de n’être point passées sous silence.

Comment apaiser d’abord l’inévitable courroux du sens commun ? Car il est indéniable que les hommes pour la plupart croient à la réalité de ce même univers dont on vient de démentir l’existence ; que la langue même dont nous usons en implique l’extériorité ; que les mots se refusent au paradoxe que l’on voudrait leur faire exprimer. — Il se peut, reprend notre idéaliste ; mais ce témoignage dont on s’arme ne m’est pas contraire à moi seul. Ce que le vulgaire exige, c’est l’extériorité du monde visible tel que l’œil le saisit et dont la science actuelle, guidée par Descartes, dénonce l’inanité ; on lui offre, au contraire, la persistance d’un monde invisible, substrat des formes qu’il aperçoit, mais qu’il n’atteint point et dont il n’a cure. — Observation profonde et qui, de nos jours encore, peut être avec avantage opposée à bien des imprudents détracteurs de l’idéalisme qui arguent contre lui des répugnances du commun.

Quant au langage, remarque judicieusement Collier, je n’en suis point l’inventeur, et, s’il est formé de telle manière qu’il donne raison à l’erreur, c’est tant pis pour le langage et non pour la vérité. Aussi bien les sciences sont elles-mêmes assujetties à cette servitude d’expressions attardées. Tandis que l’esprit accepte le système de Copernic, les lèvres parlent le système de Ptolémée. Je sais que c’est la terre qui se meut et je dis : Le soleil se lève.

Peut-être enfin des dogmatiques, trop prompts à s’alarmer,