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causes première et finale de leur objet ? On l’a dit avec raison[1], le géomètre ne commence pas par s’interroger sur la nature de l’espace, ni le physicien sur l’essence et l’origine de la matière ; sinon la géométrie et la physique n’auraient pu faire un pas dans la découverte des théorèmes et des lois. — C’est pourquoi on a rejeté dans la métaphysique le problème de la certitude et la grande question du scepticisme, qui n’ont réellement que faire en logique ; la logique, selon la définition si nette de Stuart Mill, est « la science de la preuve », c’est-à-dire de la certitude indirecte ; mais de savoir s’il y a de la vérité et des choses, de savoir qu’elle est la racine même de la croyance et sa légitimité, voilà assurément une question métaphysique, ou il n’en est point ; ce n’est pas une, c’est la question dernière. — De même la psychologie a été dégagée du grand débat entre le matérialisme et le spiritualisme sur la nature du principe pensant. L’essence de l’esprit est au premier chef un objet de recherche métaphysique. La psychologie, dans l’intention du Conseil supérieur, doit être simplement la science des faits de conscience et de leurs lois. Il est vrai que cet ordre de faits, plus que tout autre, suscite la curiosité métaphysique. Libre à chacun d’y trouver le point d’attache, ou mieux, avec Maine de Biran, la clef même de la métaphysique tout entière. Mais ces faits ont été et doivent être plus que jamais étudiés en eux-mêmes, pour eux-mêmes. Ils donnent lieu à des analyses d’un intérêt propre ; et, quelque idée qu’on se fasse du sujet dont ils constituent l’histoire, une connaissance exacte de leurs relations, de leur genèse, de tout leur mécanisme, mérite d’être poursuivie ardemment et serait inépuisable en applications pratiques. C’est à cette étude qu’il faut initier les élèves. Pourquoi ne les mettrait-on pas au courant des plus récents travaux sur ces matières ? Ces travaux, à coup sûr, sont d’inégale valeur, et les résultats en sont, souvent fort contestables ; mais cela même, il sera intéressant de le leur montrer. Exercer leur esprit critique sur ces recherches neuves et toutes vivantes sera un bon moyen de leur montrer que la philosophie n’est pas une étude morte ; et peut-être sera-ce en même temps le meilleur moyen de leur faire apprécier ce qu’il y a d’impérissable vérité dans les grandes doctrines des classiques.

On range également dans la métaphysique le peu qui pourra se dire dans un cours de lycée sur les grandes conceptions de la matière et de la vie. Ces problèmes doivent être au moins posés : si l’on ne peut en demander une solution dogmatique, tout le monde sans doute jugera

  1. Th. Ribot, Introduction à l’histoire de la psychologie anglaise contemporaine.