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la reproduction et ceux qui accompagnent la production des connaissances, ainsi que l’harmonie qui existe entre ces mouvements et l’ordre des objets. 3o Il a distingué dans la chaîne mentale la consécution nécessaire de celle qui ne l’est pas et qui dépend de l’habitude. 4o Il a noté le lien qui unit l’ordre des connaissances et la facilité du souvenir et la différence qu’il y a entre les divers individus quant à la formation du souvenir, une seule impression suffisant à l’un, tandis que l’autre a besoin d’une fréquente répétition pour contracter l’habitude mémorative. 5o Il a établi la distinction entre la réminiscence volontaire ou intentionnelle et l’involontaire (la simple reproduction) ; il en a indiqué la loi générale, qu’il détaille en trois lois secondaires. La loi générale unique est celle à laquelle Hamilton donnerait le nom de loi de la réintégration et qui peut se formuler de la manière suivante : « Les pensées qui en un même temps récent ou éloigné ont été réciproquement en relation de coexistence ou de consécution immédiate tendent à se reproduire l’une l’autre. » Les trois lois secondaires dont celle-ci n’est que le résumé sont celles de ressemblance, de contrariété et de contiguïté dans l’espace et dans le temps. M. Ferri rapproche cet exposé des principaux passages d’Aristote et trouve l’interprétation de Hamilton exacte, bien qu’un peu systématique[1].

Hobbes, dans le chapitre III du Leviathan, « De consequentia sive serie imaginationum, » que M. Ferri met en entier sous les yeux du lecteur, s’est très probablement inspiré d’Aristote, dont il avait une connaissance approfondie. Toutes les images étant des mouvements, il y a une liaison mécanique entre les images qui se sont présentées en contiguïté. Leur chaîne forme le discours mental opposé au discours vocal. L’ordre qui préside à leur consécution gouverne la pensée tout entière, puisque la pensée dérive de la sensation et que la sensation est attachée aux mouvements organiques. Quand donc on veut se rendre compte de la manière dont la pensée découvre la vérité, on n’a qu’à rechercher comment les images se lient ; elles se lient tantôt irrégulièrement et sans but, tantôt régulièrement, en vue d’une fin à réaliser, en suivant l’ordre inverse des moyens dans la nature. Mais tandis que chez les animaux l’ordre des sensations est toujours suivi servilement, chez l’homme les groupes de sensations peuvent être combinés de mille manières et tous les effets possibles imaginés. De là une théorie de la découverte ou de l’invention par les signes, c’est-à-dire par les images associées, qui méritait, ce semble, d’être traitée avec plus de faveur par l’historien.

Ce qui choque M. Ferri dans la doctrine de Hobbes se retrouve dans le fameux chapitre de Locke sur l’association des idées (livre II, chap. xxxiii). Lui aussi, Locke attribue la connexion des idées à des causes physiques, ou du moins il indique un processus mécanique

  1. Un trouvera la dissertation de Hamilton a la tin du second volume de son édition des œuvres de Reid.