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h. spencer. — les institutions politiques.

qu’à la nature humaine longtemps soumise à la discipline de la vie civilisée et aux enseignements d’une religion supérieure. Albertis, dont le témoignage est des plus récents, parle de certain peuple de la Nouvelle-Guinée qu’il a visité (près de l’île Yule) et le dit d’une honnêteté rigoureuse, « très bon et pacifique » : après les disputes qui éclatent entre les villages, les gens « se montrent aussi affables qu’auparavant et ne témoignent aucune animosité. » Mais le Rév. W.-G. Lawes, qui commente le récit d’Albertis dans un rapporta l’Institut colonial, dit que leur bienveillance pour les blancs ne résiste pas aux mauvais traitements que ceux-ci leur font subir. C’est l’histoire de tous les sauvages.

Au contraire, dans diverses parties du monde, les hommes appartenant à des types différents fournissent la preuve que des sociétés relativement avancées dans l’organisation et la culture peuvent demeurer barbares dans leurs idées, leurs sentiments et leurs usages. Les Fidjiens, qui, d’après le Dr Pickering, sont les plus intelligents des peuples illettrés, sont au nombre des plus féroces. « Le caractère des Fidjiens se signale par une méchanceté profonde et vindicative. » Le mensonge, la trahison, le vol et le meurtre ne sont point chez eux des actes criminels, mais des actions honorables ; l’infanticide se pratique en grand ; on étrangle d’ordinaire les gens maladifs ; et quelquefois on dépèce toutes vives les victimes humaines avant de les manger. Néanmoins, les Fidjiens ont « un système politique compliqué et conduit avec soin », des forces militaires bien organisées, des fortifications bien étudiées, une agriculture avancée avec rotation de cultures et irrigations ; la division du travail y est poussée loin, un appareil de distribution distinct et une ébauche de circulation ; enfin une industrie assez habile pour construire des canots qui portent trois cents hommes. Voyons encore une autre société africaine, le Dahomey. Nous y trouvons un système complet de classes, au nombre de six ; des arrangements politiques complexes, avec des fonctionnaires allant toujours par deux ; une armée divisée en bataillons, qu’on passe en revue et qui fait la petite guerre ; des prisons, une police, et des lois somptuaires ; une agriculture dans laquelle on fait usage d’engrais et qui cultive une vingtaine de plantes, des villes entourées de fossés, des ponts et des routes avec des barrières à péage. Cependant à côté de ce développement social, relativement supérieur existe un état de choses qu’on pourrait appeler le crime organisé. On fait des guerres pour se procurer les crânes dont on décore le palais du roi ; on égorge des centaines de sujets quand le roi meurt ; on en immole cinq cents chaque année pour envoyer des messages dans l’autre monde. Cruels et