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LA PERSONNALITÉ



La philosophie spiritualiste fait valoir en sa faveur deux arguments principaux : la personnalité et l’obligation morale. C’est du premier problème qu’il sera question ici. Pour nous, il se pose sous cette forme : L’existence de la notion de personnalité, cette notion que chacun de nous possède, implique-t-elle une entité distincte des phénomènes, une âme, une force, quelque chose en un mot qui relie les phénomènes les uns aux autres ? ou bien la succession des phénomènes suffit-elle à constituer une individualité ? et les lois connues de l’esprit peuvent-elles suffire à expliquer l’origine et l’existence de ridée de personnalité ? S’il en est ainsi, comment la genèse de cette idée s’est-elle effectuée ?

Je n’examinerai ici que le premier point : l’existence d’une âme substantielle, sous quelque forme qu’on la conçoive, est-elle nécessaire à la notion de personnalité, trouve-t-on autre chose que des phénomènes dans l’esprit, et peut-on s’en contenter pour expliquer la notion dont il s’agit ? C’est une analyse, non une synthèse, que je me propose de faire.

La meilleure manière de prouver que l’analyse peut être faite, dira-ton, est de reconstruire la notion du moi, d’effectuer la synthèse. Rien ne prouve la possibilité du mouvement comme le mouvement lui-même. Je n’y contredis pas. Mais la synthèse est plus difficile dans ce cas que l’analyse. Reconstruire la notion du moi d’une manière théorique, cela peut se faire ; montrer que cette théorie est vérifiée par l’expérience est bien moins aisé. Et la théorie sera d’autant moins vraisemblable que l’on n’aura pas établi la vanité, l’inutilité des théories rivales. Si l’on peut au contraire démontrer ou rendre probable que la notion du moi n’implique nullement l’existence d’une substance, on aura déblayé le terrain, et une théorie nouvelle aura d’autant plus de chances pour s’établir qu’elle aura moins de concurrence à supporter.

Il s’agit donc de montrer : 1o  que la substance n’est pas nécessaire