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dans la rivière à quarante. « Je connais dans ce moment, raconte Gall, une demoiselle très instruite et bien élevée, qui déjà, à l’âge de quatre ou six ans, quand ses père et mère l’enfermaient pour la punir, avait conçu l’envie de se détruire. Elle attend toujours la mort[1]… »

On ne saurait trop le répéter : pour la folie suicide, comme pour l’hallucination, comme pour les diverses formes de la folie, le germe du mal qui éclate à un moment donné, à l’âge de la maturité, couve longtemps inaperçu pendant les années de l’enfance et de la jeunesse. Il y a une éducation de la folie, si je puis dire, comme il y a une éducation de la sagesse ; et les manifestations morbides des esprits troublés ne s’improvisent pas plus que les œuvres les plus parfaites des intelligences bien réglées.


IV


Nous avons montré que la plupart des formes de la folie se rencontraient chez l’enfant, que sa sensibilité et sa volonté pouvaient être atteintes, comme son intelligence, comme sa perception extérieure, comme son activité musculaire. Seulement l’enfant, à la différence des animaux, n’étant pas capable de mettre immédiatement en jeu dans la plénitude de leurs forces ses facultés mentales, il y aura chez lui comme une évolution de la folie, une succession des diverses espèces morbides, depuis les convulsions des muscles et les hallucinations des sens jusqu’au délire de l’intelligence et de la volonté. De plus, et pour la même raison, les types essentiels de la folie, qui sont de tous les âges, ne se produiront dans l’enfant que sous des formes adoucies et de moindre proportion. Ils présenteront les mêmes symptômes que chez l’adulte, mais en raccourci. Nous avons déjà eu occasion de dire ailleurs que les opérations mentales, à l’état normal, différaient, de l’enfant à l’homme, plutôt en quantité qu’en qualité ; le raisonnement est moins puissant, mais il procède de même ; l’imagination n’a pas la même envergure, mais son vol est le même. Eh bien, il en est de l’action irrégulière et désordonnée des facultés de l’enfant comme de leur exercice normal : on y démêle déjà, comme un abrégé et en petit, les perturbations qui, caractérisent l’aliénation de

  1. Gall, Sur les fonctions du cerveau, 1825, t. IV, p. 338.