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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/114

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nication), la morale et les affections ou passions, enfin l’Art. Cette distribution des faits de la vie individuelle et sociale en trois groupes nous paraît bonne ; il est possible qu’elle ne soit pas la meilleure ; nous ne la suggérons que pour montrer comment un classement plus systématique et plus compréhensif aurait pu être substitué aux cadres un peu arbitraires et inégaux de l’auteur. Il semble que sa doctrine générale sur la composition de l’esprit ne soit pas encore bien assise ; car il y a plusieurs catégories de phénomènes normaux qu’il na mentionnés que par endroits, comme par exemple la constitution de la famille et les relations sexuelles, les industries, l’organisation sociale, les aptitudes esthétiques[1]. Le seul trait qu’il a suivi d’une manière continue à travers tout le règne animal, c’est si je puis m’exprimer aussi, la courbe des degrés d’intelligence. On sent que l’auteur se prépare à expliquer l’évolution des phénomènes représentatifs depuis les animaux inférieurs jusqu’à l’homme, et que cette idée domine chez lui toutes les autres. Il résulte de cette préoccupation, bien légitime dans l’état actuel de la science et qui nous promet un livre du plus haut intérêt, — l’histoire de a pensée avant l’homme, — que l’ouvrage actuel tourne légèrement à la monographie. Il y aura quelque jour une encyclopédie psychologique du règne animal ; ceci — et pourtant qu’il y a de choses dans ce livre ! — n’est qu’un premier pas vers ce but, un premier essai réellement heureux, mais destiné lui aussi à une refonte générale dans une dizaine d’années, peut-être plus tôt.

Il est probable que l’encyclopédie dont nous parlons se fera en Angleterre, et nous ne serions pas surpris que M. Romanes lui-même en trace le plan. Spencer a trouvé des collaborateurs pour son immense répertoire de faits sociologiques ; un psychologue anglais en trouvera pour une tâche analogue portant cette fois sur la science de l’esprit. Serons-nous en France, simples spectateurs de cette riche production d’œuvres utiles[2] ?

A. Espinas.

  1. Par exemple, M. Romanes rapporte avec détails l’habitude qu’ont les fourmis de se nettoyer soigneusement. Il aurait pu suivre cette catégorie de faits à travers le règne animal. Que d’animaux font leur toilette ! Il se borne à cette constatation isolée. — Dans la leçon de 1878 les phénomènes psychiques sont seulement divisés en intellectuels et affectifs ; seuls les phénomènes intellectuels sont l’objet d’une division régulière ainsi conçue : 1o Perception immédiate ; 2o Représentation idéale d’un objet absent ; 3o La conception généralisée, ou l’idée abstraite d’un certain nombre de ressemblances communes à toute une classe d’objets. Cette dernière catégorie se subdivise elle-même en deux autres (A) les idées abstraites assez simples pour se développer sans l’aide du langage (logique des sensations de Lewes) ; (B) les idées abstraites trop complexes pour se développer dans l’aide du langage.
  2. Dans la même collection, M. Lubbock vient de donner un résumé de ses magnifiques observations sur les fourmis et les abeilles.