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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/158

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zéro de volonté, nous aurions un minimum de volonté. Cette opinion se ramènerait à la première ou n’en serait séparée que par une nuance.

Le lecteur choisira entre ces deux interprétations. Je passe à des cas où les données sont plus nettes.

Il y a chez les hypnotisés des exemples nombreux de résistance. Un ordre n’est pas obéi, une suggestion ne s’impose pas d’emblée. Les magnétiseurs du siècle dernier recommandaient à l’opérateur le ton d’autorité, à l’opéré la foi, la confiance qui produit le consentement et empêche la résistance.

« Pendant l’état de somnambulisme, B… accomplit sur l’ordre certains actes ; mais elle se refuse à d’autres. Le plus souvent, elle ne veut pas lire, bien que nous nous soyons assurés qu’elle y voit, malgré l’occlusion apparente des paupières… En plaçant les mains de B… dans l’attitude de la prière, celle-ci s’impose à son esprit. Aux questions, elle répond qu’elle prie la sainte Vierge, mais qu’elle ne la voit pas. Tant que les mains demeurent dans la même position, elle continue sa prière et ne dissimule pas son mécontentement si l’on cherche à l’en distraire. En déplaçant les mains, la prière cesse aussitôt. Toute fatale qu’elle est, la prière, dans ce cas, est en quelque sorte raisonnée, puisque la malade résiste aux distractions et est capable de soutenir une discussion avec celui qui vient l’interrompre[1]. »

Il se trouve donc des cas où deux états coexistent : l’un par une influence du dehors, l’autre par une influence du dedans. Nous connaissons la puissance automatique du premier. Ici, un état contraire l’enraye ; il existe quelque chose qui ressemble à un pouvoir d’arrêt. Mais ce pouvoir est si faible qu’il cède d’ordinaire à des attaques répétées ; si vague qu’on n’en peut déterminer la nature. N’est-il qu’un état de conscience antagoniste suscité par la suggestion même, en sorte que tout se réduirait à la coexistence de deux états contraires ? Est-il plus complexe, et faut-il admettre qu’il représente la somme des tendances encore existantes dans l’individu et quelques restes de ce qui constitue son caractère ? — Si l’on accepte la théorie de Heidenhain, on aurait, dans l’état dit léthargique, un arrêt complet de l’activité fonctionnelle ; l’ordre ou la suggestion mettraient en jeu un nombre infiniment restreint d’éléments nerveux, dans la couche corticale ; enfin dans l’état de résistance surgiraient de leur sommeil quelques-uns de ces éléments qui, à l’état normal, forment la base physiologique et psychologique de l’individu, étant l’ex-

  1. P. Richer, ouvrage cité, pp. 426-427.