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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/199

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JOLY. — les origines du droit

lui-même que dans l’État et que par suite il est solidairement uni à chacun et à tous. — Elle n’attend pas du contrat la réformation sociale, pour plusieurs raisons : le contrat laisse l’homme tel que la nature l’a fait, et c’est à l’art de le faire tel qu’il doit être ; le contrat, en politique, c’est le suffrage universel ; or le vote populaire, qui a d’autres emplois, est incompétent là où c’est à la science de prononcer. Mais, avec les partisans de l’idée du droit réductible au contrat, elle, est d’avis que la construction de l’ordre de justice est une œuvre de raison et de volonté. — Rien ne lui est plus opposé que de soutenir que les situations acquises au cours de l’histoire expriment le droit ; mais elle concède à l’école historique que la création de la société, selon le droit, n’est pas un travail qui s’exécute sur un emplacement libre ; qu’étant nécessairement, comme toute œuvre humaine, un passage de la spontanéité à la réflexion, elle est tenue de compter avec les faits, qu’elle ne peut être qu’une transformation de ce qui existe, une suite de réformes prudentes, qui nécessitent des ménagements. — C’est, à notre avis, confondre les rapports des choses que de transporter juridiquement à l’homme, la loi de la concurrence vitale ; la justice commence avec l’homme et cette loi morale fait taire les lois naturelles. Il est faux qu’entre peuples il soit conforme au droit que les mieux armés exterminent ceux qui ne savent se défendre ; il n’est pas moins sophistique de confondre la loi de justice et la loi de la force au sein d’une nation, et de dire qu’il est dans l’ordre que les puissants écrasent les faibles, surtout quand il est manifeste que la formation de ces deux catégories d’hommes est en très grande partie artificielle. Cette critique faite, nous nous rapprocherons des publicistes qui s’inspirent du darwinisme interprété politiquement par Hæckel et quelques autres, pour admettre qu’un peuple qui a de l’avenir ne peut laisser se multiplier ses non-valeurs jusqu’à en être accablé. Sous peine de périr, il faut qu’il réagisse contre la pullulation des dégénérescences physiques et morales. Mais il est un moyen normal d’y pourvoir ; nous le trouvons dans les rigueurs d’une éducation physique et intellectuelle s’imposant à tous, puis dans les effets de la sélection sexuelle déjà si éveillée par elle-même, et devenue d’une susceptibilité des plus clairvoyantes, lorsqu’une fois elle aura pris de la physiologie toutes les informations désirables et que les intérêts d’argent ne fausseront plus les unions. Le plus efficace remède à ce mal saignant sera trouvé, lorsque l’opinion éclairée aura cessé de croire que c’est une nécessité inéluctable qui s’impose, de scinder un peuple en deux parts, et de façonner des hommes amoindris, pour les enchainer à des besognes serviles ; lorsque l’État, concen-