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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/201

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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


C. Darwin. — Rôle des vers de terre dans la formation de la terre végétale, traduction de l’anglais par M. Levêque, avec une préface de M. Edmond Perrier, professeur au Muséum. Paris, 1882.

I

La préface de vingt pages que M. Perrier a mise en tête de ce livre est un morceau magistral, dont l’importance n’échappera à personne. On sait que l’éminent naturaliste, après avoir fait un accueil assez froid à la théorie de la descendance, a fini, dans ses Colonies animales, par l’’admettre avec des réserves. Ces réserves tendaient à restreindre la portée de l’évolution à divers points de vue. D’abord, il niait que cette théorie expliquât le passage de l’inorganique à l’organique. En second lieu, il se refusait à rendre compte par elle seule, c’est-à-dire par les actions combinées du milieu et de l’hérédité, des formes vivantes ; il recourait, pour expliquer quelques-unes d’entre elles, à un nisus interne, à une préformation originelle analogue aux causes finales. Enfin, il croyait que les lois générales de l’évolution expiraient en quelque sorte au seuil du monde humain et que la conscience humaine se formait d’après d’autres lois que le consensus organique. Il appartenait à la philosophie, en possession maintenant d’une idée de la science qu’elle doit en grande partie aux savants eux-mêmes, de signaler ces dernières réserves. Car enfin ce n’est pas une médiocre affaire que de savoir ce qui est de la science et ce qui n’en est pas. Il faut de toute nécessité que nous fixions nos idées sur ce point capital et que nous décidions entre nous si ceux qui accordent dans leurs recherches une part aux causes finales et attribuent à l’homme une situation exceptionnelle dans la nature font œuvre de science ou de métaphysique. Voilà pourquoi, sans méconnaître les rares mérites de l’ouvrage précité, on a cru devoir ici relever le caractère ambigu de certaines de ses parties.

Aujourd’hui, M. Perrier efface résolument la plupart de ses réserves. La seconde partie de sa préface, où il retrace pour la première fois la distribution géographique des espèces de Lombrics terrestres et indique les conséquences de cette distribution soit au point de vue de la carac-