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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/383

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FOUILLÉE. — arguments en faveur du libre arbitrie

abstenons jusqu’à nouvel ordre de déterminer à quelle réalité fondamentale se rattachent les idées, il n’en résulte pas qu’elles soient suspendues en l’air, « sans sol qui les nourrisse ». Elles ont évidemment pour sol nourricier le sol commun à tout ce qui existe. Ce sol est-il esprit, ou matière, ou quelque chose qui ne serait ni l’un ni l’autre ? Question de métaphysique, question réservée, qui ne doit pas être mêlée à la psychologie expérimentale. Ce sont précisément les substances de l’ancienne psychologie qui ressemblent fort à des entités, à des abstractions réalisées, à un sol imaginaire et tout aérien, mirage du sol réel.

2o L’ancienne psychologie, sous le nom de motifs, séparait les idées spirituelles des mouvements matériels qui les suivent, comme elle séparait l’âme du corps. Par cela même, elle suspendait sa théorie de la volonté au mystère métaphysique de la communication entre les substances. Au contraire, nous concevons toute idée comme étant déjà une action commencée, inséparable d’un mouvement commencé. Tout changement intérieur suppose en même temps un changement extérieur, un mouvement. L’expérience nous apprend que nous n’avons pas d’idées vraiment abstraites, de motifs sans mobiles, ni de mobiles sans un mouvement cérébral. L’idée est un ensemble de sensations renaissantes qui enveloppe un ensemble de mouvements renaissants, ; commencés dans le cerveau, ces mouvements tendent à se propager aux organes ; en se propageant, ils deviennent nécessairement réguliers, rythmiques, symétriques comme les organes mêmes et aboutissent à une sorte de mouvement vermiculaire de l’ensemble. M. Ribot a donc raison de dire qu’il n’y a pas lieu, en psychologie, de se demander comment l’idée peut produire un mouvement : elle est déjà elle-même la conscience d’un mouvement commenté, d’un changement en voie de s’accomplir et qui ne peut pas cesser tout d’un coup. Le problème est purement métaphysique ; il porte sur le rapport du matériel au mental.

3o Par cela même, les idées-forces diffèrent essentiellement des motifs contemplatifs de l’ancienne psychologie : ceux-ci, comme nous l’avons vu, étaient des accidents superficiels de la substance âme ; ils attendaient, pour agir sur le corps, l’intervention d’un pouvoir différent à la fois du corps et des idées, d’une sorte de majordome la volonté, le libre arbitre. Selon nous, au contraire, l’idée étant inséparable de la force motrice, l’idée répondant même à un mouvement commencé dans le cerveau et contagieux pour tout le reste de l’organisme, elle tend à se réaliser par elle-même progressivement ; elle tend à devenir directrice de nos mouvements intérieurs et extérieurs.