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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/590

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ques, forme qui s’ajoute à la matière fournie par la sensibilité. — Son erreur première et capitale est de faire de l’impression sensible la source unique de nos connaissances, de méconnaître l’élément subjectif qui modifie l’impression, interprète qualitativement les mouvements de la substance réelle extérieure, dont il ne peut du reste comprendre la réalité. Avec ses catégories vides de contenu, il anéantit le monde réel, la matière que la science est obligée d’admettre et qui seule explique la nécessité des phénomènes. Son sensualisme a méconnu la raison qui pense la réalité, qui engendre les catégories et affirme la distinction des deux substances, l’âme et le corps.

C. Dreher. Liberté et nécessité. Du milieu de la nécessité causale que la pensée introduit dans les rapports matériels et spirituels, la volonté, comme libre arbitre, se fraye une issue, brise la chaîne qui veut s’imposer à elle, conquiert pour la pensée la liberté cachée dans le sentiment, et, de l’état d’automates animés, nous élève par une sorte de création à la dignité d’êtres libres dans la pensée.

A. Heppe. Platon admettait-il un commencement du monde dans le temps ? — Aristote l’affirme, et avec lui Ueberweg ; Xénocrate le nie, ainsi que Bœckh, Brandis, Süsemihl ; Zeller ne se prononce pas. — Le monde des sens, dit l’auteur, n’étant que le reflet, la négation, l’ombre du monde des idées (mythe de la caverne), doit avoir comme lui existé de toute éternité. D’autre part, Platon, introduisant le devenir dans sa théorie des idées, en fait des causes agissantes (Phédon, Philèbe) : l’âme qui gouverne le monde exerce éternellement son action sur un monde éternel. Ce n’est que dans le Timée que le Démiurge semble créer le monde à un moment donné. Mais la doctrine du Timée est pleine d’inconséquences ; ensuite il n’y a pas là une histoire des actes successifs de la création, mais bien une simple déduction de notions. Enfin le démiurge n’est qu’une personnification mythique de la force éternellement agissante de l’idée suprême.

J. Kreyenbühl. La téléologie comme système du monde. — Essai étendu (trois articles), intéressant et bien écrit. — En opposition avec la théorie de la causalité naturelle, qui ramène le monde entier aux atomes et à leurs combinaisons successives, la téléologie, tout idéaliste, voit dans l’esprit, dans la raison, le fondement et le principe de la nature, le terme auquel elle s’élève lentement dans ses perfectionnements graduels. L’auteur veut montrer que la simple causalité mène à une foule de difficultés inexplicables, et indiquer la véritable signification de la téléologie, nécessaire à l’intelligence du monde et à la solution des problèmes de la morale.

Le système de la causalité ne voit dans les choses que leurs liaisons en séries causales, où chaque cause est effet, et inversement, et où d’autre part aucun effet n’est sans cause, aucune cause sans effet, ce qui rend possible la régularité des lois de la nature. Mais, au-dessus de cette étude minutieuse des moindres rouages de la machine du monde, est le véritable objet de notre connaissance, la synthèse, la