Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/624

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
614
revue philosophique

Première période : traversée des vibrations lumineuses jusqu’à la membrane de Jacob (couche impressionnable de la rétine) ;

Deuxième période : modification des cônes et des bâtonnets ;

Troisième période : excitation des terminaisons nerveuses.

Ces trois périodes se retrouvent pour toutes les sensations spéciales, ouïe, tact, odorat, goût. Seulement, un fait capital les différencie les unes des autres : c’est que la durée de chacune de ces trois périodes varie pour chacune des sensations. Prenons, en effet, la première période. Pour la vue, elle peut être considérée comme instantanée, eu égard à la vitesse de la lumière. Pour l’ouïe, elle-doit être déjà beaucoup plus lente si l’on se rappelle la vitesse de transmission du son dans les différents milieux ; mais cette première période est encore très courte. Il serait même facile, s’il y avait à cela un intérêt quelconque, de calculer exactement cette durée avec les données physiques qu’on possède sur la vitesse de la lumière et du son. Pour le toucher, il faut encore un certain temps pour que l’ébranlement mécanique produit par un corps qui arrive au contact de l’épiderme se transmette jusqu’aux corpuscules du tact ; ce temps, nous ne le connaissons pas jusqu’ici ; mais, à priori, on peut certifier qu’il est plus long que pour les deux sensations de la vue et de l’ouïe.

Restent les deux sensations du goût et de l’odorat. Là, nous trouvons des conditions toutes différentes. Il ne s’agit plus, en effet, de la transmission d’une vibration ou d’un mouvement mécaniques ; il s’agit d’un transport de molécules à travers une couche plus ou moins complexe d’éléments organiques, et on conçoit facilement quelles causes de retard cette nécessité doit apporter à l’action de la substance sur l’élément sensitif terminal. Pour le goût, par exemple, il faut que la substance sapide dissoute arrive jusqu’aux cellules gustatives des bourgeons terminaux du goût qui se rencontrent sur les papilles de la langue. Ces cellules semblent, il est vrai, d’après les recherches histologiques les plus récentes, se terminer par des prolongements en bâtonnet qui, sortant par le pore gustatif, se trouveraient à l’état libre à la surface de la muqueuse ; mais, en réalité, au point de vue physiologique, il n’en est pas ainsi ; ces prolongements plongent dans le mucus et les débris épithéliaux qui recouvrent toujours la surface de la langue, et les substances sapides dissoutes doivent traverser cette couche pour arriver jusqu’aux bâtonnets des cellules gustatives. Un fait facile à observer le démontre surabondamment. Qu’on place sur sa langue une goutte de liquide salé ou sucré, ou mieux encore amer, en maintenant la langue immobile ; il faut attendre très longtemps pour percevoir la saveur du liquide ; au