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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/661

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fonsegrive. — les prétendues contradictions de descartes

plus, si l’on accepte les théories de Descartes sur la méthode, il n’y a rien là qui ne doive logiquement arriver.

Sur les traces de Descartes continuons notre analyse. Je suis certain que je suis au moment que je pense, certain aussi que pour penser il faut être. Ma certitude est un fait que je constate comme ma pensée, quels sont les caractères de ma certitude ? Je doutais tout à l’heure, j’étais incertain ; à quoi est-ce que je reconnais que je ne doute plus, que je suis maintenant certain ? « Je suis assuré que je suis une chose qui pense ; mais ne sais-je donc pas aussi ce qui est requis pour me rendre certain de quelque chose ? Certes, dans cette première connaissance, il n’y a rien qui m’assure de la vérité, que la claire et distincte perception de ce que je dis, et partant il me semble que déjà je puis établir pour règle générale que toutes les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement sont toutes vraies[1].

Ici encore Descartes part du faitde la certitude pour trouver la loi de toute certitude. Il continue alors la revue de ses pensées. Quoi que ce soit qu’il pense, il est ; mais que pense-t-il ? Quels sont les modes de son attribut essentiel, la pensée ? Que représentent ses pensées ? Une de ces pensées est la pensée de perfection. Il n’a pas produit en lui-même cette pensée, lui qui est imparfait, puisqu’il doute ; elle ne lui vient pas du néant qui ne produit rien ; cette pensée lui vient donc de l’être parfait, de Dieu.

D’ailleurs, lui qui est, il ne s’est pas donné l’être ; donc cet être lui vient d’ailleurs, et d’où lui viendrait-il, sinon de cet être parfait qu’il a trouvé tout à l’heure ? Dieu nous est donc encore prouvé par notre insuffisance personnelle à nous donner l’être. Mais où est la raison de cette existence divine qui est la raison de tout ? Dans son essence et non ailleurs. L’existence est enfermée dans l’essence divine, « en même façon qu’il est compris en celle d’un triangle que ses trois angles sont égaux à deux droits. » Dieu, cause et raison de l’idée de perfection que je porte en moi, cause et raison de mon être, est à lui-même sa cause et sa seule raison. Il est donc, puisqu’il est parfait ; mais s’il est parfait, il n’est point trompeur. Comme il est l’auteur de mon être, il l’est aussi de mon entendement et de ses lois. C’est lui qui me fait être, et c’est lui qui me fait penser, c’est lui qui me pousse à croire aux idées claires et distinctes, c’est donc lui qui est la caution de ma certitude, « en sorte que cela même que j’ai pris tantôt pour une règle, à savoir que les choses que nous concevons très clairement et très distincte-

  1. IIIe Méditation, n° 2, t.  I, p. 112.