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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/689

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ANALYSES. — HENRY. Condorcet et Turgot.

spécial et de montrer que, tant que les lois de l’évolution n’ont pas été connues, on a dû se contenter d’une pédagogie empirique, et qu’il est temps de la traiter scientifiquement, en s’appuyant sur les lois de l’hérédité, de l’adaptation et de la sélection.

Dans ce compte rendu, nous avons négligé à dessein beaucoup de détails qui nous ont paru des hors-d’œuvre, par nécessité beaucoup d’autres qui nous auraient entraîné trop loin : Il nous a paru préférable de faire ressortir l’esprit de l’ouvrage et son économie, dans ses grands traits. Réunis, ces deux volumes forment le tableau des actions animales ou humaines, le plus complet et le plus scientifique que je connaisse.

Th. Ribot.

Henry (Ch.)Correspondance inédite de Condorcet et de Turgot (1770-1779), publiée avec des notes et une introduction, d’après les autographes de la collection Minoret et les manuscrits de l’Institut. Paris, Charavay frères, éditeurs, 1883, xxx-328 pages.

MM. Arago et O’Connor avaient publié en 1849 quelques lettres inédites de Condorcet et de Turgot, mais en en retranchant d’importants passages. M. Charles Henry a réédité ces lettres en rétablissant les passages inédits et les a complétées par un grand nombre de documents nouveaux. Il a réuni ainsi deux cent cinquante-trois lettres de Condorcet et de Turgot ; c’est donc bien une correspondance inédite qu’il publie.

Les caractères des deux correspondants ressortent admirablement dans leur individualité différente. Tous deux ils étaient encyclopédiques ; tous deux, ils avaient là passion du bien et de la liberté. Ils étaient profondément honnêtes ; mais la morale de Turgot est supérieure. Un jour, Condorcet lui écrit : « En général, les gens scrupuleux ne sont pas propres aux grandes choses. » Turgot lui répond : « Les vertus ne sont opposées les unes aux autres que lorsqu’on entend par vertus certaines qualités actives qui sont peut-être autant des talents que des vertus. La morale roule encore plus sur les devoirs que sur ces vertus actives : tous les devoirs sont d’accord entre eux. Aucune vertu, dans quelque sens qu’on prenne ce mot, ne dispense de la justice, et je ne fais pas plus de cas des gens qui font de grandes choses aux dépens de la justice que des poètes qui s’imaginent produire de grandes beautés d’imagination sans justesse. » Tous deux ils croyaient à la perfectibilité humaine, mais Turgot aurait-il poussé le système jusqu’à penser que les maladies pussent disparaître ? Turgot est spiritualiste et partant tolère la dévotion. Condorcet est déjà un positiviste, mais un positiviste très incomplet, méconnaissant complètement le bien produit par les institutions sacerdotales. Ce ne sont point des esprits littéraires ni des âmes artistiques ; ils sont avant tout gens pra-