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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/701

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revue des périodiques

par son étiologie, par la présence d’hallucinations de l’odorat et par le passage rapide à la démence. — 2o Le délire systématisé à forme chronique, dans lequel les idées délirantes s’organisent à l’aide des hallucinations et des illusions. Le délire des persécutions est complété par le délire des grandeurs. On observe des rémissions passagères, souvent fort longues. Kraft-Ebiag propose encore d’ajouter à cette variété ce qu’on appelle la folie des plaideurs. — 3o Le délire systématisé à forme aiguë, dont le caractère pathologique est la subite et violente explosion des hallucinations, principalement celles de l’ouïe. Le délire de persécutions domine la scène ; on observe des désordres dans l’innervation vaso-motrice (angoisse précordiale) et des mouvements involotaires et impulsifs, qui pourraient faire porter le diagnostic de manie. Les rémissions ont lieu subitement ou progressivement : — 4° Le délire systématisé à forme originaire, qui a été illustré par Sander.

Après cet exposé historique, succinct, mais très complet, l’auteur présente deux observations cliniques, recueillies dans l’asile de Turin (section des femmes).

Il s’agit d’abord d’une femme L. G…, de quarante-trois ans, dont les antécédents, recueillis avec soin, sont ceux d’une névropathe. Convulsions dès les premiers mois de la vie et à l’époque dé la dentition : Réglée à seize ans, elle présente des névralgies dentaires récurrentes, des douleurs de tête obstinées qui rendent son caractère très irritable, elle se nourrit de lectures romanesques, et, fait curieux à noter, elle ne témoigne d’aucun sentiment religieux, ne fréquente pas les églises, ne veut pas entendre parler, de prêtres. En 1873, le délire éclate. Elle vivait en famille avec sa sœur, quand tout à coup elle éprouve des hallucinations de l’ouïe extrêmement vives, qui produisent chez elle le délire des persécutions ; pour fuir les voix menaçantes de ses ennemis qu’elle entend à toute heure, mais surtout pendant la nuit, elle quitte la maison de sa sœur, voyage, se fait interner temporairement dans un asile, est mise en liberté quand elle paraît revenir à la santé, et finalement revient dans sa ville natale, se trouvant enceinte sans savoir comment. Quelque temps après sa délivrance, son délire change de caractère. À la suite de visions, elle se croit chargée par Dieu de remplir une mission et de réformer le monde ; elle parcourt les rues et les places publiques en prêchant à haute voix ; c’est dans la ferveur d’une de ses prédications qu’elle est arrêtée et conduite à l’asile de Turin.

Au premier examen, cette malade se présente comme étrangement hallucinée ; elle voit le paradis, le Seigneur, la Madone, les saints ; elle écoute leurs paroles et entretient un colloqué continu avec les esprits célestes. Elle se croit toujours appelée à accomplir des exploits héroïques et même à souffrir le martyre dans l’intérêt de la religion ; ce sont des ennemis qui l’ont fait enfermer dans l’asile. Comme on voit, le délire des persécutions et le délire des grandeurs se mélangent. En parlant, elle présente le curieux phénomène de l’assonance, groupant

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