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ANALYSES.e. rabier. Leçons de philosophie.

tentons-nous de signaler les chapitres remarquables qui suivent sur la classification et la définition, sur l’hypothèse, l’analogie, la méthode des mathématiques, l’analyse et la synthèse, la méthode des sciences morales, pour nous arrêter au dernier chapitre du livre.

La Logique traite des moyens d’arriver à la vérité, elle ne serait pas complète si elle ne traitait de l’erreur et de la certitude.

L’erreur logique, dit M. Rabier, n’est ni dans l’objet, ni dans la représentation de l’objet, elle est dans l’interprétation de la représentation, dans le jugement par lequel nous rapportons la représentation à l’objet. Sans doute la représentation détermine le jugement, mais celui-ci à son tour dépasse, en vertu de sa nature propre, la représentation toute subjective, la pose comme objet, et, si cette représentation se trouve matériellement fausse, que rien d’ailleurs ne vienne la contredire, l’erreur est créée. Sans doute la volonté pourrait, à force d’attention, éloigner les causes de l’erreur, ou du moins suspendre le jugement, et ainsi éviter l’erreur, mais les nécessités de la pratique le lui interdisent. « Nous nous trouvons perpétuellement dans la situation d’un jury qui doit, séance tenante, déclarer l’accusé innocent ou coupable, tout en ayant conscience que les raisons décisives de se prononcer lui font défaut. Pour prouver que le dîner que nous nous disposons à manger ne nous empoisonnera pas, il faudrait des jours et des mois. Mais l’appétit, différant en cela de l’âne de Buridan, ne veut pas nous laisser mourir en attendant la solution du problème (p. 363). »

L’erreur est donc toujours possible, mais si nous pouvions trouver une marque assurée de la vérité, ou, comme on dit, un critérium, nous pourrions échapper au doute. Ce critérium existe-t-il ? Tous les critères de la certitude, dit M. Rabier, se ramènent à l’évidence. Nous sommes certains quand nous voyons évidemment qu’une chose est comme elle est. Sans doute ; mais quand avons-nous cette certitude ou cette évidence ? Que de gens ont vu évidemment des erreurs, que de gens ont été certains de faussetés ! L’histoire de la philosophie est la longue histoire des ces évidences fausses et de ces certitudes illusoires. Il y a donc évidence et évidence comme il y a fagot et fagot. Il y a une évidence avant la preuve qui ne peut avoir aucune valeur, et il y a une évidence après la preuve qui est vraiment digne d’être acceptée comme la marque et la garantie de la vérité. Quand une proposition se trouve d’accord avec un grand nombre de faits, qu’elle n’est contredite par aucun, qu’elle est d’accord avec les principes de la raison et que les hommes s’accordent à la croire, elle a le plus haut degré d’évidence et de certitude. Et pourquoi ? Parce qu’il ne serait pas alors raisonnable de la nier. En définitive, comme un illustre savant (Cl. Bernard) l’a reconnu, le critérium de tout critérium c’est la raison (p. 381). S’ensuit-il que nous puissions nous flatter d’atteindre en quoi que ce soit la certitude absolue ? Non. « Il n’y a pas pour l’homme de critérium absolu du vrai (p. 381)… Est-ce donc qu’on doive accorder gain de cause au scepticisme ? Il s’en faut bien