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idées de Hæckel désignées souvent sous le nom de théorie des plastidules. Mais M. Dejerine donne plus de développement à l’exposé d’un travail sur cette question qui, paru en Allemagne il y a déjà près de deux ans, a été très remarqué : il s’agit du travail de Weismann, Die Continuität des Keimplasmats als Grundlage einer Theorie der Vererbung (Iéna, 1885).

Weismann admet que la transmission des dispositions structurales et fonctionnelles de tout organisme est possible et a lieu effectivement grâce à la transmission, de génération en génération, d’une substance à structure extrêmement fine et complexe, possédant des propriétés chimiques et moléculaires déterminées : c’est le plasma germinatif (Keimplasma). « Lorsqu’un nouvel organisme se développe, une partie de la substance active du germe, une partie du plasma germinatif que renferme l’ovule, n’est pas employée à la formation du nouvel être ; elle reste en réserve, ne subissant aucune mutation, aucune transformation ; c’est cette réserve de plasma germinatif non modifiée, qui sert à former les cellules germinatives du nouvel organisme. Du moment que les cellules germinatives des générations successives sont en continuité directe non interrompue, du moment qu’elles ne sont, en d’autres termes, que les différentes parties d’une même substance…, elles doivent et elles peuvent posséder une structure moléculaire semblable, et parcourir, dans des conditions de développement déterminées, exactement les mêmes phases et fournir un produit, final identique. La continuité du plasma germinatif subsiste donc d’une génération à l’autre, et on peut se représenter ce plasma germinatif comme une longue racine, de laquelle s’élèvent de distance en distance des bourgeons, des rejetons représentant les individus des générations successives. » Quant à ce plasma germinatif même, étant donné ce que nous savons enfin aujourd’hui sur la fécondation qui n’est que la fusion de deux noyaux, celui d’une cellule mâle et celui d’une cellule femelle, il ne peut provenir que de la substance nucléaire. Ainsi l’hérédité s’explique par la transmission d’une substance nucléaire de structure moléculaire spécifique. — M. Dejerine remarque avec raison que la théorie de Hæckel nous disait bien suivant quel mode (transmission de certains mouvements moléculaires déterminés) s’effectue l’hérédité, mais ne nous montrait pas comment une seule cellule du corps réunit les différentes tendances de tout un organisme, comment, par l’intermédiaire de la cellule fécondée qui deviendra le nouvel être, l’individu transmet à ses descendants les moindres particularités de sa structure et ses dispositions physiques et psychiques. L’hypothèse de la continuité du plasma germinatif fait disparaître cette difficulté. Il est vrai, et M. Dejerine a très bien vu ce point faible, qu’elle ne rend pas compte de l’hérédité des caractères acquis. Aussi Weismann, malgré l’existence incontestable des différences individuelles dans toutes les espèces, nie-t-il simplement l’hérédité des caractères acquis. « S’il n’y a pas de disposition première, dit-il, l’organisme n’acquiert rien ; les caractères acquis ne sont autre chose que des variations locales et générales, produites par des influences extérieures déterminées. » Et la cause des différences individuel les se trouve seulement dans la forme de la reproduction, dans la fusion de deux cellules germinatives de sexes opposés. Virchow a vivement attaqué