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miner les rapports logiques de l’idée de dignité avec celle du libre arbitre, nous demander quels sont les différents sens que prend le mot dignité dans un système déterministe et dans un système qui admet le libre arbitre, et quelles sont les conséquences juridiques qui découlent de ces divers sens.

D’un autre côté le code pénal semble reposer dans ses dispositions principales sur la croyance au libre arbitre du criminel. Dans un système déterministe faudrait-il changer ou même supprimer le code pénal ? Ainsi les droits individuels et les droits sociaux peuvent-ils et doivent-ils être définis de la même façon dans un système déterministe ou dans un système qui admet le libre arbitre ? Telle est la question presque entièrement logique que nous nous proposons d’examiner.

I

Les choses les moins libres ont des valeurs différentes. Un déterministe peut donc parler de valeur et de dignité. Il n’a le droit sans doute d’attribuer à rien une valeur absolue, car pour lui aucune partie de l’ensemble ne peut être dite absolue, tout est relatif à tout ; mais il a le droit de parler de la haute valeur, de l’incomparable dignité de la personne humaine. Il lui suffit pour cela d’établir qu’un homme a une valeur incomparablement plus élevée que tous les êtres de l’univers. Et la preuve ne semble pas bien difficile à fournir avec l’homme les choses entrent en valeur, sans l’homme elles ont à peine un prix. L’homme transforme le monde à tel point que sa valeur propre est incomparablement supérieure à celle de l’univers. Il est donc digne de plus d’estime, puisqu’il est d’un plus grand prix.

Qu’est-ce qui constitue proprement notre valeur ? Si nous jugeons d’après nous, c’est ce à quoi nous tenons le plus ; si nous jugeons d’après les autres, c’est ce qu’ils estiment davantage. Or, ce à quoi nous sommes le plus attachés, c’est notre bonheur ; ce que les autres apprécient le plus en nous, c’est notre intelligence ou le bon emploi de notre volonté. Ainsi notre valeur peut être placée dans notre bonheur, dans notre raison ou notre vertu. Le déterminisme ne fait pas de la vertu une entité qui puisse être considérée séparément ; il la ramène à la raison ou au bonheur. Par suite donc le déterminisme apprécie la valeur et la dignité de l’homme d’après son bonheur ou sa raison.

Le bonheur individuel n’est pas respectable par lui-même, car tous les bonheurs se valent et par conséquent ont des droits égaux. Chacun,