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REVUE GÉNÉRALE.marillier. La suggestion mentale, etc.

Je n’ai pas trouvé dans les Phantasms of the Living de théorie claire et cohérente que je puisse exposer à côté de celle de M. Ochorowicz. C’est que la différence est grande entre des expériences précises, faites dans des conditions déterminées et les phénomènes si complexes, si obscurs que MM. Gurney et Myers ont étudiés avec une admirable persévérance. Disons cependant que l’on est frappé des préoccupations religieuses qui ne les abandonnent jamais[1], et que bien des passages feraient soupçonner qu’à côté d’une action physique, ils en admettent une autre proprement psychique, à laquelle la mort même ne mettrait peut-être pas fin. Mais on ne saurait trouver sur ce point dans leur livre une doctrine assez nettement formulée, pour qu’on soit en droit de leur attribuer telles ou telles opinions. Ils ont voulu, disent-ils, nous donner avant tout un recueil de faits bien choisis et bien classés ; ils ont largement tenu leur promesse.

VII

Le livre de M. Ochorowicz compterait parmi les travaux qui ont rendu à la psychologie de réels services, quand bien même des expériences ultérieures nous prouveraient que tous les phénomènes qu’il a étudiés peuvent s’expliquer par des transmissions « apparentes » de pensée. Toute une classe de phénomènes psychiques dont on parle beaucoup, mais souvent sans en rien dire qui satisfasse, ont été analysés par lui avec une finesse et une sûreté extrêmes, nous voulons parler des phénomènes psychiques inconscients. Je sais qu’il y a contradiction entre les mots inconscient et psychique et qu’une sensation non sentie est une absurdité. Mais ce qui est vrai, c’est que des milliers d’excitations peuvent nous atteindre sans que nous les sentions, qu’elles peuvent agir sur nous sans que nous en sachions rien. Tantôt nous saisissons à la fois les phases et le résultat du travail cérébral, tantôt nous ne saisissons que le résultat tout seul, sans pouvoir comprendre comment nous y sommes arrivés. Ces excitations non perçues s’emmagasinent en nous ; des images, des émotions anciennes s’y ajoutent et ne sont plus représentées dans la conscience, elles n’existent plus en nous que par leurs corrélatifs organiques, mais elles n’en peuvent pas moins réapparaître à un moment donné. C’est en ce sens qu’il faut entendre la mémoire inconsciente, la sensation inconsciente. Nous ne percevons que les différences : toutes les excitations habituelles, continues deviennent donc latentes pour nous, mais elles n’en agissent ni plus ni moins. L’esprit est ainsi composé de plusieurs couches de phénomènes, dont les plus superficielles appartiennent seules à la conscience claire. Au-dessous même des véritables phénomènes psychiques, subsistent les corrélatifs cérébraux d’autres phénomènes qui n’existent en nous qu’à l’état latent, mais que la moindre

  1. Voy. spec. l’Introduction.