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temps que nous posons notre main sur son genou ; il croit que c’est toujours la sienne qui occupe cette place. Nous pouvons faire exécuter à son bras tous les mouvements que nous voulons, sans qu’il en sache rien, et cependant il exécute lui-même — en tâtonnant, il est vrai, et avec de grandes difficultés et un retard notable — les mouvements que nous le prions d’accomplir.

Remarquons, au reste, que L… est devenu maladroit : il casse les objets qu’il touche — incapable qu’il est de mesurer son effort, — lâche son verre, sa bougie, dès qu’il cesse de regarder sa main. Les mouvements qui lui sont habituels, il peut encore les exécuter, sans être obligé de les diriger en regardant ce qu’il fait, mais il ne peut plus les exécuter aussi sûrement.

2o Le malade ayant les yeux bandés, nous lui avons attaché au poignet un poids de 2 kilogr., l’avant-bras étant fléchi horizontalement et le coude étant appuyé sur le bord d’une table, selon le dispositif bien connu de Donders et van Mansveldt pour étudier l’élasticité musculaire sur l’homme. Puis nous avons coupé la ficelle à laquelle le poids était attaché, après avoir pris soin que le poids ne pût faire aucun bruit en tombant. Le bras s’est brusquement relevé en raison de l’élasticité musculaire. Mais le malade n’a jamais eu aucune conscience de ce mouvement ; il a toujours cru que son bras n’avait pas bougé.

Nous avons refait un autre jour l’expérience en attachant au poignet, suivant le même dispositif, une série de poids de plus en plus forts (100 gr., 200 gr., 500 gr., 1, 2, 5 kilogr.) et en coupant chaque fois la ficelle qui retenait le poids. Il n’a perçu ni les mouvements effectués par son bras, ni l’effort nécessaire pour retenir suspendus les divers poids, ni la différence de ces poids.

Un de nos amis, M. Lapicque, qui nous a assistés dans plusieurs de nos expériences, a eu l’idée de modifier le dispositif de la façon suivante plusieurs fois de suite, nous faisons exécuter au malade un mouvement qui consiste à écarter le bras du corps et à revenir toucher avec la main le genou, partie restée sensible, comme nous l’avons dit. Nous lui bandons alors les yeux, nous lui attachons un poids de 2 kilogr. au poignet, nous coupons la ficelle, puis nous le prions d’exécuter le mouvement dont il s’agit. Sa main est à 10 centim. au moins au-dessus de son genou, mais il n’a pas eu conscience de ce déplacement et va chercher son genou droit jusque vers son épaule gauche. Nous lui touchons alors le genou et il croit avoir réussi à l’atteindre. Nous avons cinq fois répété cette expérience avec succès.

3o Nous prenons trois flacons de grès — deux sont vides et pèsent chacun 250 gr., le troisième est plein de mercure et pèse 1850 gr. (diff. 1560 gr.). Nous prions L… de les soupeser et de nous dire lequel est le plus lourd. Il déclare qu’il les trouve tous trois pareils. Nous avons fait à plusieurs jours d’intervalle deux séries de six épreuves chacune ; le résultat a toujours été le même. On disposait, bien entendu, l’expérience de façon à ce qu’il ne pût être renseigné ni par la vue, ni par