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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/48

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tera à découvrir le nom du philosophe qui a le premier porté cette conception de la science à son plus haut degré de rigueur et de netteté, et connu bien avant Bacon, aussi bien que lui, le véritable esprit de la méthode expérimentale. Bien que ses idées aient été vite oubliées, et n’aient exercé aucune influence appréciable sur le développement de l’esprit humain, il mérite peut-être de ne pas rester toujours inconnu.

I

Les ouvrages originaux où les médecins empiriques avaient exposé leur théorie de la méthode sont perdus ; mais nous en trouvons un résumé dans Galien, qui, il est vrai, s’attache souvent à les combattre, principalement dans le De Sectis[1] et dans la Subfiguratio empirica[2].

Suivant les empiriques, la science médicale est fondée, non pas, comme le soutiennent les dogmatiques, sur l’expérience unie à la démonstration, mais sur l’expérience seule. Il y a trois sortes d’expérience : l’expérience directe, ou première vue, (αὐτοψία), appelée aussi par Théodas l’observation (τήρησις) ; l’histoire ; le passage du semblable au semblable (ἡ τοῦ ὁμοίου μετάβασις).

1o L’observation ou autopsie peut être, ou bien naturelle, due à une simple rencontre (περίπτωσις), par exemple si un homme qui souffre de la tête fait une chute, s’ouvre la veine du front, saigne, et éprouve un soulagement, ou au contraire aggrave son mal ; — ou bien fortuite (αὐτοσχέδιον), par exemple si on essaye avec intention un moyen suggéré en songe, ou autrement ; — ou enfin imitative (μιμητική), si on expérimente à diverses reprises, dans des affections identiques, des moyens quelconques qui ont nui ou soulagé soit accidentellement, soit par hasard. — Mais il ne suffit pas de faire une observation sommaire : il faut tenir compte des cas de non-réussite ; il faut s’assurer si les mêmes remèdes produisent les mêmes résultats ou toujours, ou le plus souvent, ou si le nombre des succès égale le nombre des échecs ; ou si le succès est rare. Faute de prendre cette précaution, on n’a qu’une expérience incomplète et désordonnée (κατὰ μόριον ἐμπειρίαν ἀσύνθετον ὑπάρχουσαν) : ce n’est pas une vraie expérience[3].

  1. Édit. Kuhn, t.  I, p. 66. Leipzig, 1821-1830.
  2. Bonnet, De Cl. Galeni Subf. emp. Bonn, 1872.
  3. Subf. emp., p. 38.