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L’INTENSITÉ DES IMAGES MENTALES


1. — Le monde d’images que chacun de nous porte dans son esprit a ses lois comme le monde matériel qui nous entoure ; ces lois sont surtout analogues à celles de la matière organique, car les images sont des éléments vivants qui naissent, qui se transforment et qui meurent. Nous voulons, dans cette courte étude, insister sur une propriété particulière des images, l’intensité.

Pour se rendre un compte exact de ce que c’est qu’une image intense, il faut se rappeler ce que c’est qu’une sensation intense ; une lumière produite par dix bougies donne une sensation plus intense que la lumière d’une bougie unique ; un kilogramme de plomb tombant sur une table produit un bruit plus intense que le bruit d’un gramme, quoique le son puisse avoir dans les deux cas même hauteur et même timbre, et ainsi de suite. Donc le souvenir, l’image de chacune de ces excitations fortes est nécessairement plus intense que le souvenir de chacune de ces excitations faibles.

Il faut ajouter à ce caractère subjectif la supposition qu’un caractère objectif l’accompagne nécessairement. Étant donné que toute image correspond à un processus physiologique déterminé comme nature et comme siège, il est probable que le processus de l’image forte diffère grandement du processus de l’image faible ; il y a dans le premier cas une désintégration d’une plus grande quantité de matière nerveuse, et une production de chaleur plus considérable.

Il faut s’habituer à considérer une image comme pouvant passer par les mènes degrés d’intensité qu’une contraction musculaire. La comparaison entre l’image et la contraction musculaire est d’autant plus exacte que ce qui détermine la force de la contraction, c’est moins le muscle que la cellule nerveuse motrice ; on en a la preuve très nette dans le phénomène du transfert ; chez une certaine catégorie de sujets, l’application unilatérale de plaques métalliques opère le transport de la force musculaire de la main droite dans la main gauche, qui devient ainsi capable de donner au dynamomètre un chiffre beaucoup plus considérable que si le transfert n’avait pas eu