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A. BINET.intensité des images mentales

tation diffuse. En voici une troisième, qui ne paraît pas rentrer dans les catégories précédentes.

On sait que l’attention concentrée est accompagnée d’une expression spéciale de la physionomie, qui a pour principal caractère le rapprochement des sourcils vers la ligne médiane.

Nous n’entrerons pas dans l’analyse de ce mouvement, dans lequel concourent plusieurs muscles, le sourcilier et le palpébral supérieur. On peut par suggestion fixer chez un sujet en somnambulisme ce rapprochement des sourcils ; si la suggestion a été donnée d’une façon convenable, elle survit pendant l’état de veille. Voici alors ce qu’on observe. Le sujet paraît éveillé ; quelquefois, comme chez W…, il se sent en colère. Si on le prie de serrer au dynamornètre, il donne un chiffre qui est plus élevé que son chiffre normal ; quelquefois l’augmentation de puissance motrice est considérable. Si on mesure son temps physiologique de réaction, comme nous l’avons fait au moyen des procédés aussi simples qu’élégants de Jastrow, on trouve une diminution ; le temps s’est raccourci. Tous ces effets peuvent être mis en rapport avec l’attention intense qu’on a suggérée à l’hypnotique ; et pour le dire en passant, on trouve dans cette expérience un moyen des plus commodes pour l’étude physiologique de l’attention. Les images mentales participent à cette dynamogénie générale. Une simple idée indiquée sans insistance à l’état de veille devient, dans ces conditions, une suggestion rapidement exécutée. On peut aussi constater que la mémoire s’étend.

4. — Nous allons maintenant étudier l’effacement des images. À l’état normal, les images s’effacent naturellement, quand elles n’apparaissent pas de temps en temps à la conscience : c’est l’oubli, qui est la mort de l’image. En outre de cette désagrégation, il y a une autre cause d’affaiblissement pour l’image, c’est la contradiction. Quand une image est reconnue fausse, elle disparaît de l’esprit. Citons, par exemple, l’expérience d’Aristote : en roulant une boule entre mon index et mon médius croisés l’un sur l’autre, j’ai l’impression de deux boules. Mais si je fixe les yeux sur mes deux doigts croisés pour corriger cette illusion, je vois qu’il n’y a qu’une boule, et je ne puis au même moment, quelque effort d’imagination que je fasse, m’en représenter deux. L’image fausse a été repoussée du champ de l’esprit, et repoussée de telle sorte qu’elle n’y réparait plus. Pour la commodité de l’analyse, nous nous en tenons à ce premier fait, en négligeant tous les détails des rectifications moins complètes. Comment faut-il interpréter cette rectification ?

Nous venons de voir que l’image fausse est expulsée. Cette expression vague a besoin d’être précisée. Lorsqu’on dit qu’une image sort