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s’arrête dans la famille là où cessent les devoirs des parents. Il s’arrête dans la société là où cessent les devoirs de l’État. Mais dans l’État comme dans la famille, par cela seul que le droit de punir repose sur des devoirs, il revêt un caractère moral et il ne doit s’interdire aucune des considérations morales qui peuvent à la fois consacrer sa légitimité et assurer son efficacité. Dans la famille, il se limitera progressivement d’après l’âge des enfants. Dans la société, il n’embrassera que les fautes que l’État a le devoir de réprimer. Mais, quelles que soient ses limites, il ne cessera jamais, dans la sphère qui lui est propre, de s’inspirer de la loi morale et de la conscience. Là sera sa lumière dans l’appréciation des délits ; là aussi, dans les déterminations de la peine. « L’homme, dit admirablement M. Franck, jusqu’au fond de la plus profonde dégradation, reste toujours une créature humaine, un être moral, un être doué de conscience, de raison, de liberté, qui, sans jouir actuellement de ses facultés oblitérées par le crime, peut les recouvrer d’un instant à l’autre sous l’aiguillon de la souffrance, de la honte et du repentir. Or il n’est pas permis d’en user avec une créature humaine comme un homme sensé n’userait pas d’une chose ou d’une bête de somme. Il faut que la peine qu’on lui inflige ait sa raison d’être dans sa nature. » Je pourrais observer que la peine ainsi définie implique, dans une sphère limitée, tout l’essentiel du droit de punir. Je pourrais ajouter qu’elle est vraiment une expiation, non dans un sens absolu, mais dans le sens relatif que consacre l’usage de la langue et qui s’applique à l’ordre social comme à l’ordre moral. Mais je ne veux pas m’arrêter sur cette belle page pour me donner la puérile satisfaction de reproduire une critique, d’importance après tout secondaire. J’aime mieux signaler de nouveau ce respect de la dignité humaine, qui est comme l’âme de tous les écrits de M. Franck sur le droit et sur la morale sociale.

Émile Beaussire.