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V. BROCHARD.la méthode expérimentale

risme ultérieur. Aussi Philippson, après avoir exposé la doctrine de Zénon, convient-il que le philosophe épicurien n’a rien fait qui puisse se comparer à l’œuvre de Bacon ou à celle de Stuart Mill : sa méthode, dit-il, n’est toujours que l’induction per enumerationem simplicem[1]. Ce n’est pas Zénon, et ce n’est pas un Épicurien qui a porté la méthode expérimentale chez les Anciens à son plus haut point de perfection.

III

Le véritable auteur de ce progrès fut le médecin sceptique Ménodote de Nicomédie. La lecture attentive du traité où Galien expose si nettement la méthode des empiriques, la Subfiguratio empirica, ne permet guère de douter que Galien, en composant ce livre, ait eu sous les yeux un des ouvrages de Ménodote. C’est à Ménodote qu’il emprunte la plupart des explications qu’il nous donne sur la méthode empirique : c’est à lui expressément qu’il attribue les corrections essentielles apportées à cette méthode.

Si par exemple les empiriques ne se contentent pas d’énumérer simplement les cas où un phénomène se produit, procédé qui, suivant la très juste remarque de Stuart Mill, ne permet que des inductions très générales, et perd toute valeur quand on veut formuler une loi particulière ; s’ils tiennent compte des cas où un phénomène ne se produit pas, appliquant ainsi ce qu’on a appelé de nos jours la méthode de différence ; s’ils veulent s’assurer que le phénomène se produit ou toujours, ou rarement, ou qu’il fait défaut autant de fois qu’il apparaît, ou qu’il n’arrive jamais, c’est très probablement à Ménodote qu’ils doivent cet excellent précepte : on peut du moins le conjecturer d’après le passage de Galien[2] où il est rapporté ; nous y voyons en effet que c’est Ménodote qui a donné un nom à l’expérience qui ne se conforme pas à cette règle.

Si, quand il s’agit de l’histoire, ils recommandent de ne pas accepter indistinctement tous les témoignages, mais de les peser, de les critiquer, et autant que possible de les vérifier expérimentalement, c’est encore Ménodote[3] qui leur a donné l’exemple ; c’est lui qui a fait de l’histoire un procédé de méthode scientifique.

Ainsi encore Ménodote[4], pour bien marquer le caractère empi-

  1. Cf. Zeller, p. 392.
  2. Subf. Emp., p. 38
  3. Ibid., p. 51
  4. Ibid., p. 66.