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LA LIBERTÉ ET LE DÉTERMINISME

SELON M. FOUILLÉE


Lorsque M. Fouillée a offert au public philosophique une nouvelle édition de sa thèse sur la Liberté et le Déterminisme, il a cherché à en faire, par un complet remaniement, l’expression exacte de sa pensée actuelle. Et, de même qu’il n’a pas ménagé sa peine, il a bravé courageusement la défiance, la prévention tout au moins, avec laquelle les lecteurs de la première édition devaient accueillir des pages anciennes et bien connues, pénétrées d’un esprit nouveau. Ceux de ma génération, en particulier, étaient disposés à ressentir comme une infidélité la liberté que l’auteur prenait de retoucher un ouvrage dont ils ont aimé jusqu’aux défauts. Leur jeune raison y avait goûté une sorte d’ivresse métaphysique en un temps où la sobriété de la philosophie universitaire les mettait à un régime un peu sec. Je me rappelle toujours pour ma part quel charme je trouvais, après m’être égaré bien des fois au cours de la lecture, à me sentir enfin tout à fait perdu dans un certain chapitre sur la liberté dans le mal ; et je ne me représentais pas autrement les sombres forêts germaniques où j’entendais dire que les jeunes Allemands avaient été si long-temps retenus captifs par les enchantements de Schelling et de Hegel. Convenait-il donc de remettre sur le métier un livre de ce genre, quand l’inspiration était refroidie ? Et la meilleure manière de le corriger n’était-elle pas d’en écrire un autre ? En dépit des apparences, l’entreprise a réussi à M. Fouillée. La deuxième édition restera la bonne. Elle reproduit l’hypothèse propre à l’auteur, avec un très léger changement[1] ; mais elle en offre une exposition en général plus facile à suivre, plus serrée aussi et plus cohérente, et, en maints endroits, plus précise. Au moment où M. Fouillée écrivait sa thèse, il n’était pas entièrement affranchi de l’éclectisme un peu banal auquel ne peut échapper un jeune professeur. Entré en pleine possession de sa pensée, il a purgé son livre des traces de la métaphysique substantialiste et de la théologie quasi verbale qu’il avait reçues par

  1. Voy. à la fin de cet article.