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histoire et philosophie religieuses

prononcé, en particulier, dans ce sens, de la part des représentants du conservatisme religieux, des paroles empreintes d’un sincère libéralisme et d’un sérieux souci de la recherche exacte, que nous nous applaudissons d’avoir provoquées. Si nous avons réussi à faire voir que l’histoire des religions était un domaine où les partisans des diverses opinions philosophiques ou religieuses pouvaient travailler de concert en s’astreignant à la pratique de méthodes scientifiques, nous n’aurons pas perdu notre peine.

Un point que nous n’avons fait qu’effleurer et sur lequel nous aurons à revenir, c’est une remarque sur le caractère de fétichisme-animisme, de polythéisme ou de monothéisme que l’on reconnaît aux diverses religions. On y voit la marque d’états religieux tranchés, caractérisant certains peuples et certaines époques. Nous croyons qu’il y a là une illusion. Pour nous, ces mots indiquent trois aspects, trois faces de l’idée et de la pratique religieuses que l’observation fait découvrir dans les cultes les plus différents en apparence. À ce compte, il n’y aurait point de religions exclusivement fétichistes, mais seulement des religions où l’attribution de vertus surnaturelles à des localités ou à des objets déterminés est mise au premier plan ; point de religions positivement polythéistes, mais seulement des religions où les divers côtés de l’activité divine revêtent une sorte de personnalité plus ou moins nettement accusée ; point de religions uniquement monothéistes, mais des religions où l’unité divine s’affirme plus franchement qu’ailleurs. Que l’on considère une religion telle que le christianisme de branche catholique ; le dogme en est foncièrement monothéiste, ce qui n’exclut pas l’usage de s’adresser à différents personnages célestes et d’attacher des vertus spéciales à tel sanctuaire ou à tel symbole religieux. Restons-en au christianisme. Dans la variété de ses branches, l’unitarisme protestant pourra représenter le monothéisme dans toute sa rigueur ; le catholicisme français, le polythéisme ; le catholicisme populaire de l’Italien ou de l’Espagnol, le fétichisme. L’emploi de ces termes, qui indiquent plutôt des nuances que des oppositions, réclame donc de sérieuses réserves. Je prétendrais volontiers qu’il n’est pas une seule religion, l’accusât-on de pratiquer l’animisme le plus invétéré, dont le sectateur intelligent n’admette l’unité de direction du monde (monothéisme), pas un seul culte, fit-il profession du monothéisme le plus rigide, où l’on ne saisisse la tendance à considérer de préférence à tel moment une manifestation de la puissance divine plutôt qu’une autre (polythéisme), à prier dans un lieu plutôt que dans un autre (fétichisme-animisme).

Appelé à enseigner pour la première fois l’histoire des religions à l’université de Rome, M. B. Labanca s’est proposé d’établir que la religion pour l’Université est un problème, non un axiome[1]. Il développe en fort bons termes, que la religion ne doit entrer à l’Université que comme objet d’étude scientifique. Elle y est essentiellement du ressort

  1. In-8o, 25 pages.