Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/633

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
623
histoire et philosophie religieuses

paux, à chacun desquels il fait l’honneur d’une description spéciale. « Nous diviserons, dit-il, notre travail en trois périodes. La première, de Moïse jusqu’au commencement du viiie siècle, se distingue par l’influence prépondérante qu’exercent les idées et les usages traditionnels, modifiés en partie seulement par l’ancien prophétisme. La seconde, de l’apparition des plus anciens livres prophétiques jusqu’à la fin de l’exil, est marquée par la grande influence du prophétisme, arrivé à son apogée. La troisième, de l’exil jusqu’au Ier siècle avant l’ère chrétienne, se caractérise par l’influence extraordinaire de la loi écrite et du sacerdoce. » Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour voir que la définition de la première des trois périodes en question est d’une obscurité et d’un vague inquiétants. Quand on va au fond des choses, on s’aperçoit que M. Piepenbring échafaude le tableau qu’il en trace sur un des documents primitifs du Pentateuque, celui qu’on dénomme jéhoviste-prophétique, et sur quelques-uns des livres historiques. Malheureusement l’antiquité de ces sources et leur autorité en qualité de témoins de la plus ancienne religion des Israélites sont des plus suspectes et rien ne prouve qu’elles soient antérieures aux ouvrages qui ont fourni à l’auteur la matière du tableau dressé pour la seconde période. La distinction entre la période anté-prophétique et la période prophétique (viiie au vie siècle) est purement conventionnelle et ne saurait se défendre.

Il n’y avait donc, en aucun cas, matière à une triple division, tout au plus à deux tableaux. Dans l’un, on aurait essayé de reconstituer la religion juive avant la grande crise de la captivité de Babylone ; dan s l’autre, on aurait résumé les idées et les pratiques religieuses telles qu’elles furent en vigueur aux temps du second temple.

Ce n’est point là non plus ce qu’a essayé M. Piepenbring dans la seconde et la troisième division de son livre. Induit en erreur par l’opposition, beaucoup trop marquée, qu’on a pris l’habitude d’introduire entre la phase dite prophétique et la phase dite sacerdotale de l’histoire d’Israël, il établit entre les deux un fossé et s’imagine que les sources dont il dispose l’y autorisent. Pour cela, il faudrait que les livres bibliques qu’il utilise fussent datés d’une façon certaine ou au moins avec une approximation suffisante, et c’est ce qui n’est pas.

Appelons les choses par leur nom au risque de causer quelque émoi dans les rangs des exégètes qui s’accoutument à donner pour définitifs des résultats fort contestables. Dans le Pentateuque, on reconnaît trois documents, qui, par leur combinaison, ont donné naissance au texte traditionnel : le document jéhoviste-prophétique, le document deutéronomique et le document élohiste-sacerdotal. On s’est imaginé pouvoir attribuer le premier au ixe siècle environ ou au viiie avant notre ère, le second au viie, le troisième au ve siècle seulement, c’est-à-dire aux temps de la restauration ou du second temple. Ce ne sont nullement là des faits mis horde discussion par le consentement général ; ce classement repose sur des combinaisons dont les motifs ne s’imposent point d’une façon inéluctable. Voilà cependant que l’on éta-