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histoire et philosophie religieuses

en raison de son intérêt. Il s’agit d’une victime des discordes civiles, un nommé Nicolas Fuldo, à la veille de subir le dernier supplice. « J’allai, rapporte Catherine elle-même dans une de ses lettres, visiter celui que vous savez et il fut si consolé, si encouragé, qu’il entra dans les meilleures dispositions. Il me fit promettre pour l’amour de Dieu, que quand viendrait le temps de la justice, je serais avec lui ; je le promis et j’ai tenu ma promesse. Et le matin, avant le son de la cloche, je me rendis auprès de lui ; il reçut une grande consolation à mon arrivée. Sa volonté était soumise et réunie à la volonté de Dieu ; il ne lui restait que la crainte de n’être pas assez fort au dernier moment. Mais la bonté infinie du Seigneur le fortifia et lui inspira tant d’amour pour l’accomplissement de ses désirs, que pénétré de son adorable présence, il répétait sans cesse : « Je meurs content, » et, en disant ces mots, il tenait sa tête appuyée contre ma poitrine. Je lui dis : Je vais t’attendre au lieu de la justice, et je prononçai le nom de Jésus. À ce mot, son cœur fut délivré de toute crainte, son visage passa de la tristesse à la joie et, dans les tressaillements de la jubilation, il disait : « D’où me vient cette grâce que vous, la douceur de mon âme, vous allez m’attendre au lieu sacré de la justice ? » Il disait encore : « Je marche plein de joie et de force, il me semble que j’ai mille ans à attendre lorsque je pense que vous m’y recevrez. » Et il prononça d’autres paroles si douces que j’étais ravie en considérant la bonté de Dieu. J’allai donc l’attendre au lieu du supplice. Avant l’arrivée du triste cortège, je me baissai et j’étendis le cou sur l’instrument du supplice ; mais il ne répondit pas à mes vœux. Je suppliai la vierge Marie d’obtenir de Nicolas, en cet instant suprême, la lumière et la paix du cœur et à moi la grâce de le voir retourner à sa fin dernière. Et mon cœur était si plein, et si forte était l’impression de la douce promesse qui m’avait été faite, que là, au milieu de la foule du peuple, je ne voyais personne. Nicolas parut ; comme un doux agneau il sourit en me voyant ; il voulut que je lui fisse le signe de la croix. Je le fis en disant : « Va aux noces éternelles. Bientôt tu seras dans la vie qui ne finira jamais. » Il s’étendit doucement ; je plaçai son cou sous le glaive et m’agenouillant tout à côté, je lui rappelai le sang de l’agneau sans tache. Sa bouche murmurait ces mots : « Jésus et Catherine… » Cependant le glaive tomba et je reçus sa tête dans mes mains. Je tournai les yeux vers la bonté divine en disant : « Je veux ! » Alors, comme on voit la clarté du jour, je vis l’Homme-Dieu recevoir l’âme du martyr. »

Dans quel ordre de faits faut-il faire rentrer des événements aussi étonnants ? Assurément dans les cadres de la psychologie, mais non de l’étroite et routinière doctrine que l’on enseignait il y a cinquante ans. Les physiologistes ont raison en ce sens qu’aucun phénomène psychique n’est compréhensible sans un état donné des centres nerveux. Seulement, à supposer, ce qui n’est pas, que nous eussions les moyens de définir cet état du cerveau, à un moment donné, et particulièrement dans des circonstances aussi extraordinaires, il n’en résulterait aucune lumière